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jeudi 23 mars 2023

Industrie de l’aluminium/La société El Wafa, membre de la CGEA : Des sociétés étrangères produisent en toute illégalité

La société El Wafa est passée en quelques années du statut de négociant en bois et en produits métalliques à celui de producteur avec son complexe situé à Oran. L’entreprise se positionne aujourd’hui parmi les plus importants producteurs nationaux de laminés d’aluminium et unique producteur algérien d’accessoires pour les portes et fenêtres en aluminium. Mais la double crise du BTPH et du Covid-19 et surtout la concurrence déloyale de pseudo-opérateurs étrangers freinent sa croissance.

Par Mehdi Mourad

La success story de l’entreprise El Wafa débute en 1995 à Tadjenanet, ville particulièrement dynamique située dans la wilaya de Mila. L’entreprise familiale se spécialise dans le négoce de bois et de matériaux de construction. Elle devient leader dans ce secteur, ses clients figurent parmi les plus importantes entreprises de BTPH du pays. Mais les dirigeants d’El Wafa ne comptent pas en rester là, ils décident de s’engager dans la production. «La production de biens est une suite logique dans notre plan de développement. Partout dans le monde, c’est la production qui est prioritaire sur l’administration. Les administrateurs sont censés accompagner les producteurs», affirme Mohamed Medjdoub, manager d’El Wafa et membre actif de la Confédération générale des entreprises algériennes (Cgea) d’Oran. Le choix pour installer les unités se porte sur la zone industrielle Sidi Chahmi de Senia, dans la banlieue d’Oran. En 2010, la société lance une usine de fabrication de treillis soudé. Deux ans plus tard, El Wafa débute la production de tube en acier noir, destiné aux domaines énergétique, à la construction et à l’hydraulique.

Activité complexe
Après avoir réalisé une étude de marché sur le potentiel national du profilé d’aluminium, l’entreprise se lance dans cette nouvelle activité industrielle. Durant de nombreuses années, le secteur du BTPH national a connu un important développement grâce au lancement de projets dans le domaine de l’habitat et des infrastructures publiques. Des domaines qui intègrent de grandes quantités de portes et de fenêtres en aluminium, métal qui offre divers avantages, notamment en matière d’esthétique et de résistance. L’entreprise crée une nouvelle filiale au sein de son complexe de Sidi Chamhi : Wafa Aluminium Extrusion. L’usine qui s’étend sur plusieurs hectares est équipée de trois lignes d’extrusion. Des machines de dernière génération de fabrication sud-coréenne. «Nous disposons de deux fours de 15 tonnes chacun, capables de traiter un total de 120 tonnes d’aluminium par jour, ainsi que de presses à extruder de haute technologie. Notre usine est certifiée ISO et nous disposons de tous les moyens humains et matériels pour mettre sur le marché des produits de grande qualité», explique Mohamed Medjdoub. Produire du profilé d’aluminium en Algérie est une activité particulièrement complexe, car les industriels doivent maîtriser plusieurs paramètres. Le premier concerne la matière première : l’aluminium. «La matière première utilisée par Wafa provient essentiellement du marché de la récupération de déchets locaux, c’est-à-dire d’anciennes portes et fenêtres ou encore des moteurs et boites de vitesses automobiles. Le reste est importé sous forme de billettes ou de lingots. Notre industrie est le dernier chaînon de la chaîne de valeur de la récupération des déchets d’aluminium. Bien sûr, nous gênons certains lobbies qui ont tout intérêt à vendre ces déchets à l’international. En Algérie, il existe une quinzaine d’usines de production de profilés d’aluminium, mais juste deux réellement sont au normes internationales et fabriquent des produits de qualité. Wafa fait partie de ces deux entreprises», assure Mohamed Medjdoub. Le manager de Wafa Aluminium Extrusion tient à préciser que cette matière première est cotée en Bourse, d’où la fluctuation que peut connaître le prix du produit fini. «Certains opérateurs ne peuvent pas comprendre que le cours de l’aluminium est très volatil. Son prix est en constante augmentation depuis quelques mois. Il est passé de 1 800 dollars la tonne en novembre 2020, à 2 200 dollars la tonne début avril 2021», ajoute-t-il.

Nouveau challenge
Bien que l’essentiel des opérations soient gérées par ordinateur, le processus de fabrication des profilés nécessite une grande maîtrise technique. Après une phase de nettoyage, la matière première (importée ou issue de la récupération) est fondue dans les fours puis transformée en billettes, sorte de longs boudins d’aluminium dont le poids peut atteindre 6 quintaux. «Chauffée à plus de 450 degrés, la billette est découpée en tronçons qui ensuite passent dans une presse dans lequel est située un moule. C’est ce procédé qui permet de former les profilés d’aluminium. D’une longueur de 6 mètres, les baguettes de profilé d’aluminium sont ensuite refroidies progressivement puis dirigées vers la chaîne de teinture. Cette opération se déroule dans un module spécial destiné au thermolaquage des profilés. Nous produisons des profilés standards, les plus utilisés sur le marché algérien. Mais nous pouvons également produire des profilés sur commande, les possibilités sont illimitées. Nous produisons également pour le compte d’autres opérateurs qui ont des gammes spécifiques. Nous pouvons répondre aux besoins d’une grande partie du marché national», souligne Mohamed Medjdoub.
Mais depuis quelques semaines, une nouvelle activité a vu le jour au sein du complexe de production d’El Wafa Aluminium Extrusion : la fabrication d’accessoires pour portes et fenêtres en aluminium et en PVC. «Cette nouvelle unité de production de paumelles, de serrures et de poignées en aluminium est unique en Algérie. Des millions de dollars sont dépensés chaque année en importation pour ces petits éléments. A l’avenir, nous pourrons produire pour le marché local et même exporter», assure-t-il. Ces éléments sont fabriqués à partir d’aluminium, ce qui porte le taux d’intégration à 80 % pour cette nouvelle ligne de production contre 40 % pour l’usine de fabrication de profilés d’aluminium. L’effectif d’El Wafa Aluminium Extrusion est actuellement de 500 travailleurs, dont 40 % de femmes pour l’activité accessoires. «Le nombre de salariés devrait augmenter ces prochains mois, à la faveur de la montée en cadence de la production».

Lobbies étrangers
Mais depuis quelques années, l’industrie algérienne de l’aluminium est quasiment passée sous la coupe de puissants lobbies étrangers.
«Les producteurs locaux ont longtemps souffert de la concurrence déloyale des importateurs de profilés. Mais depuis quelques années, nous faisons face à des sociétés qui travaillent sans autorisations, de façon totalement illégale. Ce sont essentiellement des opérateurs turcs et chinois. Ils font travailler une main-d’œuvre étrangère, sous-payée et non déclarée. Il est impossible de les concurrencer dans ces conditions déloyales. Le pire c’est qu’elles utilisent des produits chimiques qui causent des dégâts irréparables à l’environnement. Ces usines ne traitent pas l’eau et la rejettent dans les réseaux d’assainissement et les rivières. Chaque année, des tonnes de produits chimiques finissent dans la nature», affirme le manager de Wafa Aluminium. La situation est d’autant plus grave que les bénéfices de ces entités sont transférés illégalement dans leurs pays
d’origine. L’Association des producteurs d’aluminium a saisi les autorités, notamment le ministère de l’Industrie ainsi que le ministère de l’Environnement. «Nos plaintes n’ont toujours pas été prises en considération», note Mohamed Medjdoub. A cette concurrence déloyale sont venus s’ajouter les effets l’épidémie de Covid-19 et la crise économique. «Notre rendement a chuté de 45 % durant les premiers mois de l’apparition de
l’épidémie. Nous avons dû fermer l’usine durant un mois. La crise qui frappe de plein fouet le secteur du BTPH a également eu des effets très négatifs sur la société. Une activité comme la nôtre exige de la stabilité pour pouvoir fonctionner. Une crise multiforme comme celle que nous subissons actuellement est très néfaste pour le bon fonctionnement de nos usines, surtout lorsqu’on est obligé de fermer ou de ralentir le rythme de production. Nous avons assuré les salaires et n’avons procédé à aucune compression d’effectif», regrette le manager d’El Wafa Aluminium Extrusion. Mohamed Medjdoub assure que la société qu’il dirige est capable de relever de nombreux autres défis et de prendre des parts de marchés à l’international. «Nous avons l’avantage d’être concurrentiel, car la matière première est disponible et nous maîtrisons le savoir-faire pour fabriquer des produits de qualité». Les responsables et les travailleurs d’El Wafa Aluminium Extrusion ne demandent qu’à développer leur activité dans un environnement stable et transparent.

M. M.

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