Il y a encore six ans, le discours des républicains américains sur l’immigration laissait peu de place à l’interprétation. Un discours fermement opposé aux arrivées migratoires, rejetant la politique de légalisation des sans-papiers menée par Barack Obama. Toutefois, durant la campagne présidentielle de 2016 le ton a changé. Plusieurs candidats à l’investiture républicaine durant les élections primaires n’hésitant pas alors à tenir un discours pro-légalisation et pro-immigration. Macro Rubio, lui-même d’origine cubaine et Jeb Bush, ayant été les candidats les plus ouverts à une politique plus «accueillante» de leur pays. Aujourd’hui, c’est le frère de Jeb, George W. Bush, qui s’invite dans le débat public américain, cette fois-ci en tant que défenseur de l’immigration, à contre-courant de son propre parti. Le 43e président des États-Unis a en effet publié le 20 avril un nouveau livre, qui rassemble des portraits d’immigrés qu’il a peints (Out of Many, One : Portraits of America’s Immigrants). En partageant les histoires «remarquables» d’immigrés, l’ex-président aujourd’hui âgé de 74 ans, a expliqué espérer «humaniser le débat sur l’immigration et la réforme du système migratoire», dans une tribune publiée dans le «Washington Post». La sortie de ce livre survient au moment où le démocrate Joe Biden, qui avait promis une politique migratoire plus «humaine» après les années Trump, est aux prises avec la plus forte hausse en 15 ans d’arrivées de migrants à sa frontière Sud. Ancien gouverneur du Texas, un État frontalier du Mexique fortement marqué par l’immigration, le républicain qui n’a pas réussi à mettre en place des réformes migratoires d’envergure durant sa présidence, a vivement critiqué son parti et les positions anti-immigration qu’il véhicule. Le Parti républicain est devenu «isolationniste, protectionniste et dans une certaine mesure nativiste», a jugé l’ex-président dans un entretien avec NBC Today, évoquant le nativisme, mouvement politique américain qui s’oppose à toute nouvelle immigration. George W. Bush défend une voie vers la citoyenneté pour ceux qui sont arrivés aux États-Unis encore enfants, appelés les «Dreamers», et un processus progressif pour les millions de sans-papiers qui vivent aux États-Unis, selon lequel le permis de résidence puis la citoyenneté devraient être mérités. Les candidats devraient ainsi payer une amende et leurs arriérés d’impôts, apporter la preuve de leurs années de travail aux États-Unis et de leur bonne connaissance de l’anglais et de l’histoire américaine, et n’avoir aucun antécédent judiciaire. De telles idées contrastent avec les vues actuelles du Parti républicain, et sont plus proches des convictions portées par certains démocrates qui étaient pourtant en opposition totale à George W. Bush lorsqu’il était au pouvoir. L’ancien président néo-conservateur est toutefois en faveur d’un renforcement de la frontière avec le Mexique «avec une touche de compassion», même s’il reconnaît que son discours a peu de chance de faire mouche dans les milieux les plus conservateurs, alors qu’aujourd’hui l’électorat républicain est polarisé comme jamais et que Donald Trump et ses idées de mur et de criminalisation de l’immigration illégale sont toujours aussi populaires.
F.M.