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vendredi 19 avril 2024

Ils s’épanouissent durant le ramadhan: Les artisans culinaires, gardiens d’un patrimoine national précieux

Gardiens du patrimoine culinaire national, les artisans spécialisés dans les produits culinaires traditionnels s’épanuissent durant le ramadhan, où leurs produits sont très demandés par des consommateurs à la recherche des recettes ancestrales et des saveurs d’antan.
Radia, qui s’est lancée dans la confection de feuilles de dioul depuis une dizaine d’années, affirme être beaucoup plus productive durant le mois sacré. «C’est la période la plus rentable de l’année car les gens utilisent énormément les feuilles de dioul, indispensables pour préparer le bourek, en plus de certains gâteaux traditionnels qui ornent la table du f’tour et des soirées du ramadhan», souligne cette trentenaire de La Casbah.
Un avis parfaitement partagé par Ali, son mari, lui-même artisan spécialisé dans la confection des ktayef (cheveux d’ange). «Nous avons beaucoup de commandes ma femme et moi pendant le ramadhan. C’est vraiment un mois d’abondance», s’est-il réjoui, en gardant un œil très attentif sur sa machine rotative conçue pour la production de long fils de ktayef.
«C’est une machine semi-industrielle qui me facilite la tâche en me faisant gagner beaucoup de temps», explique-t-il en rappelant qu’auparavant la formation de ces fibres se faisait à la force du poignet avec un entonnoir.
Sitôt cuits, les fibres soyeuses et raffinées sont retirées et déposées soigneusement sur un chariot de stockage.
«Nos clients sont généralement des voisins, en plus des gens qui viennent de Soustara et de Bab El oued, mais parfois nous recevons des commandes en dehors de la capitale», affirme ce jeune artisan, tout en servant une fillette venue récupérer la commande faite par sa mère la veille.
Issu d’une famille réputée pour ses produits culinaires de terroir, Ali pratique ce métier depuis l’âge de 18 ans. Un savoir-faire qu’il a hérité de ses parents et qu’il compte à son tour transmettre à ses enfants.
A quelques mètres de cette famille d’artisans habite Khalti Doudja, l’une des doyennes de l’art culinaire traditionnel à La Casbah.
Assise dans la cour de sa maison mauresque, face à sa tabouna, elle fait cuire ses feuilles de dioul à l’ancienne sur un plateau de bronze inversé. «Il n’y a pas de secret. La pâte pétrie à la main est faite avec de la semoule (blé dur), de l’eau et un peu de sel», a-t-elle révélé.
En peu de temps, elle forme plusieurs douzaines de feuilles rondes et légères superposées les unes sur les autres.
Au fond de la cour, ses deux filles et ses trois belles-filles, chacune face à sa propre tabouna, reproduisent les mêmes gestes au même rythme.
«C’est un travail qui nécessite du temps et surtout de la patience», assure l’une d’elles.
A ses côtés, Fatima, une ancienne cliente, dit apprécier tous ses produits. «Ses recettes originales sont incomparables avec celles que nous avons l’habitude de voir sur YouTube», a-t-elle commenté.

Une activité noble qui assure l’autonomie financière des familles
En dehors des feuilles de dioul demandées particulièrement durant le mois sacré, cette artisane passionnée est également convoitée pour sa chakhchoukha, sa rachta (nouilles), son couscous et ses gâteaux traditionnels.
«Les commandes augmentent davantage à l’occasion des fêtes religieuses», a-t-elle affirmé, évoquant les vertus de ces activités qui ont toujours permis à sa famille d’être à l’abri du besoin. «Dieu merci, nous ne sommes pas riches mais du moins ne nous ne manquons jamais de rien», a-t-elle affirmé avec gratitude.
Née en 1943 à la rue de la Lyre, un quartier de la Basse Casbah, Khalti Doudja confie qu’elle avait appris la cuisine traditionnelle très jeune comme toutes les filles de son âge. «Je voyais ma mère et ses voisines rouler le couscous, pétrir le pain dans leur grande jatte de bois et préparer les feuilles de dioul pour les faire cuire à la braise», raconte-t-elle.
A l’époque, ajoute-t-elle, «les jeunes filles étaient pleinement associées à ces activités collectives au cours desquelles elles apprenaient l’art culinaire en même temps que les bonnes manières».
Très nostalgique, elle se souvient toujours du rituel des deux dernières semaines de Chaabane consacrées aux préparatifs du ramadhan : en plus du grand nettoyage, la peinture des murs à la chaux, les femmes préparaient, pour tout le mois, la fameuse M’katfa, une sorte de pâtes fines et courtes qui constituaient l’ingrédient principal de la chorba algéroise, parfumée à la coriandre et la menthe.
Toutes ces coutumes ancestrales et ces recettes représentent à ses yeux un patrimoine identitaire qu’il faudrait «absolument» transmettre aux jeunes générations, afin de le préserver contre l’oubli.
Racim C.

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