Exportations, un casse-tête algérien
En chantier de réflexion depuis 2017, la mouture finale de la SNE 2020-2024, abréviation désignant la Stratégie nationale des exportations, est en voie de finalisation en vue d’asseoir une diversification de l’économie et celle des exportations algériennes pour en renforcer la résilience et la durabilité, aussi souhaitées que nécessaires, lorsque l’on sait que le montant des exportations hors hydrocarbures, durant les deux premiers mois de l’année en cours, était de 338,88 millions de dollars, soit une baisse de 23,89 % par rapport aux résultats des deux premiers mois de l’année précédente.
Par Lynda Naili
Chapeauté par le département du Commerce, le groupe de travail plurisectoriel en charge de rédiger cette mouture finale «est à la dernière phase de ses travaux», nous ont indiqué des sources proches du dossier. «Les plans d’action des secteurs respectifs devront être remis dans les jours qui viennent, ce qui devrait clore la mouture finale de la SNE 2020-2024», préciseront-elles. Marqués par l’existence d’un potentiel export existant et après consultations des acteurs économiques concernés, cinq secteurs ont été retenus pour piloter cette première stratégie nationale d’exportation. Respectivement, et sous le sceau de l’exigence d’une conformité aux normes nationales et internationales, il s’agit du secteur des produits agroalimentaires et boissons, celui des produits pharmaceutiques, celui des pièces détachées et composants automobiles, de l’électronique et enfin le secteur des Technologies de l’information et de la communication (TIC). Néanmoins, le comité de pilotage de la SNE a souligné «la nécessité de mener une investigation plus approfondie en vue d’inventorier, par secteur et par wilaya, les créneaux d’opportunités porteurs pour l’exportation et en faire la promotion auprès des milieux de l’entrepreneuriat». Il est à noter qu’à propos du premier secteur retenu, il était question, à l’entame de l’élaboration de la SNE en 2017, du «secteur automobile» et que suite au désenchantement survenu dans ce segment d’activité mis à nu par la série de scandales éclatés l’année dernière, cette nouvelle mouture retiendra au final les activités industrielles relatives à la pièce détachée et autres composants automobiles.
Cinq secteurs et vingt produits porteurs pour des marchés matures et émergents
Au demeurant, selon nos sources, «la SNE 2020-2024 intègre au moins vingt produits très porteurs qui n’ont jamais fait l’objet d’exportation auparavant». «Elle s’étend sur vingt pays cibles, à savoir cinq en Afrique subsaharienne, cinq de la zone de l’Union européenne, cinq pays d’Asie et enfin cinq pays des Amériques», détailleront nos sources. En effet, selon elles, ces pays cibles constituent une véritable opportunité pour les opérateurs économiques concernés, voyant ainsi en l’exportation «des produits agroalimentaires et boissons un marché mature, en celui de la pièce détachée et composants automobiles et électronique ainsi que celui des produits pharmaceutiques un marché émergent». Quant à l’exportation des services en TIC, il sera qualifié de «visionnaire». Parallèlement à ce classement et pour soutenir cette démarche, la feuille de route tracée par et pour la SNE a retenu quatre fonctions transversales d’appui à l’opération d’export. Et pour cause, parce que la performance à l’exportation est déterminée par la qualité de l’environnement commercial national qui soutient les entreprises exportatrices et par leur la compétitivité à l’export, ces dernières ont en effet besoin d’un certain nombre de services d’appui qui les aident à développer leurs produits, à améliorer leur efficacité, à pénétrer les marchés… En l’occurrence, il s’agit de l’information et de la promotion commerciale, du financement à l’exportation, de logistique et facilitation des échanges et enfin de la gestion de la qualité à l’export. En effet, sur ce dernier point, l’impératif de renforcer l’infrastructure Qualité dans son volet normalisation et métrologie, ainsi que l’accréditation a été vivement relevé comme étant un soutien à la reconnaissance des produits nationaux à l’international et par la même éviter les scénarios des expériences à l’export survenues il y a quelques années.
Critères pour une meilleure résilience et durabilité
Par ailleurs, les rédacteurs de la SNE préconiseront que la dynamique projetée par cette première stratégie nationale à l’exportation «devra être soutenue et consolidée par une actualisation de la SNE et par l’élaboration de nouveaux axes qui viendront l’étoffer au cours de sa montée en puissance». De ce fait, pour la mise en œuvre de la SNE 2020-2024, quatre objectifs stratégiques ont été déclinés, à savoir, la diversification de l’économie et des exportations nationales pour en renforcer la résilience et la durabilité. Un objectif qui se fera à travers l’amélioration de la chaîne logistique de manière à réduire des coûts des transactions pour les opérateurs ; le renforcement de la production nationale de biens et services diversifiée en développant les secteurs prioritaires et les capacités des industries de soutien et enfin assurer une meilleure synergie et cohérence des politiques sectorielles par le renforcement du réseau national d’institutions d’appui au commerce extérieur. Outre d’améliorer le climat des affaires pour attirer l’investissement, renforcer la compétitivité des entreprises et les aider à intégrer les chaînes de valeur mondiales, il s’agit aussi de renforcer les capacités et la qualité de production et de gestion des entreprises orientées à l’export et de favoriser un commerce extérieur dans le cadre du développement durable et de la justice sociale, relèvent les rédacteurs de la SNE qui recommandent de «faire de la SNE un des axes centraux du plan d’action gouvernemental pour assurer le succès de sa mise en œuvre».
Pour mémoire, étant l’une des recommandations phare de la Conférence nationale sur le commerce éxtérieur qui s’est déroulée en mars 2013 à Alger, la problématique de la diversification des exportations hors hydrocarbures a été mise à plat lors de la première Conférence nationale sur le commerce extérieur tenue en mars 2015 et à l’issue de laquelle une série de recommandations ont découlé. Toutefois, il aura fallu attendre deux années pour la recommandation préconisant la nécessité de l’élaboration d’une Stratégie nationale des exportations (SNE) hors hydrocarbures soit engagée par le gouvernement et chapeautée par le ministère du Commerce avec l’appui technique du Centre du commerce international (CCI).
Djerad : l’impératif d’asseoir la culture de l’exportation
Samedi dernier, à l’ouverture du colloque national sur «l’exportation dans le secteur des travaux publics», le Premier ministre, Abdelaziz Djerad, a estimé qu’«il est plus que nécessaire d’emprunter une stratégie aux contours clairs dans le cadre de la relance économique, basée sur l’optimisation des procédures juridiques et règlementaires relatives à l’opération d’exportation, avec la garantie de mesures incitatives financières, bancaires, fiscales, douanières et commerciales, outre l’activation du rôle des représentations diplomatiques à l’étranger et des conseils d’affaires». Parce que la promotion des exportations hors hydrocarbures constitue «un choix stratégique», il a souligné l’impératif d’inciter et d’encourager les opérateurs économiques à asseoir la culture de l’exportation et de croire aux capacités compétitives de leurs produits et services. Et d’insister, par là même, sur la nécessité d’une bonne prise en charge par les institutions administratives professionnelles des préoccupations soulevées par ces opérateurs et de trouver les meilleures solutions pour leur traitement.