Les forces ukrainiennes sont à peine rentrées dans la ville de Kherson, sur la rive droite du Dniepr, dont les Russes s’étaient auparavant retirés après en avoir évacué la population civile, du moins celle qui voulait bien les suivre, que voilà les Ukrainiens qui à leur tour annoncent l’évacuation de ce qui est resté sur place de cette même population, en plus de celle de Mykolaev, qui est proche. Ce n’est pas pour les mêmes motifs que les deux camps en sont venus à de telles décisions. Dans le cas des Russes, il s’agissait d’abandonner, provisoirement ont-ils tenu à préciser, une position déjà difficile à défendre, et qui allait le devenir davantage, au regard des intentions de l’ennemi, qui n’en finissait pas de concentrer des forces dans sa périphérie en vue de la prendre d’assaut. Ce repli est de leur point de vue d’autant plus indiqué qu’il revient à se retrancher de l’autre côté du fleuve, ce qui n’est pas partir bien loin. S’ils ont pris avec eux la population civile prorusse, c’est pour faire en sorte qu’elle ne soit pas exposée aux représailles des Ukrainiens, susceptibles en effet d’être d’une grande rigueur. Pour leur part, les Ukrainiens évacuent les civils non pas par crainte de l’ennemi, mais pour lui épargner d’autres cruautés, celles de l’hiver, qui dans ce pays est à même de se montrer aussi impitoyable que peuvent l’être les Russes.
Avant de quitter la ville, et même après l’avoir quittée, en continuant de la bombarder, les Russes ont pris soin de détruire les équipements qu’elle contenait et grâce auxquels la population pouvait affronter l’hiver. L’offensive que les décideurs ukrainiens veulent épargner à leurs civils ne sera certes pas menée par les militaires russes, mais ceux-ci lui ont cependant préparé le terrain pour qu’elle se traduise par un effet maximal sur tout ce qui bouge. Ce n’est d’ailleurs pas que dans Kherson que les Russes recourent à cette tactique, consistant à mettre l’hiver à son service, mais dans tout l’Ukraine. C’est ainsi qu’il est déjà question de quelque 40% d’installations fonctionnant au gaz et à l’électricité qui sont déjà plus ou moins sévèrement endommagés. Et ce n’est pas fini puisque les combats à l’artillerie se poursuivent. Le général Hiver a déjà pris le commandement, non pas d’un seul camp mais dans les deux, sauf qu’il oblige l’un à l’attaque et l’autre à la défense. Dans cette phase de la guerre, qui ne fait que commencer, comme dans les précédentes d’ailleurs, l’avantage appartient à la Russie, qui n’est en manque ni de munitions ni de quoi garder au chaud sa population. Cela fait quelque temps qu’elle s’y prépare, mettant dans sa manche les cartes gagnantes. Son intérêt est que cet hiver soit exceptionnellement froid. Un souhait qui n’est ni celui des Ukrainiens ni celui de leurs alliés européens, dont les réserves de gaz ne leur permettront de passer «correctement» l’hiver que si celui-ci se montre au contraire particulièrement clément. Autrement, ce serait comme si la guerre avait passé les frontières de l’Ukraine pour arriver dans leurs villes et campagnes. Mais qu’un seul général en chef, l’Hiver, commande partout en Europe, aux belligérants directs comme aux autres, c’est là, quoi qu’on en dise, une circonstance plutôt favorable au retour de la paix.