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vendredi 29 mars 2024

Hiver et inflation simultanément au service de la paix

 

Il y a des choses qui en elles-mêmes ne sont pas bonnes, d’autres encore qui sont franchement mauvaises, et qui pourtant dans certaines circonstances peuvent s’avérer utiles, peut-être même secourables, en tout cas jusqu’à un certain point lorsqu’en particulier on se trouve aux prises avec des maux bien plus graves qu’elles et qu’on voudrait par-dessus tout voir se terminer. Ainsi en est-il pour l’heure de l’hiver et de ses rigueurs, dont on se passerait volontiers, mais qui dans un présent marqué par la guerre en Ukraine, un conflit mondial jusque-là confiné dans un seul pays, mais qui est susceptible de le déborder, est capable, du fait de ses rigueurs justement, d’accélérer le retour à la paix. C’est d’ailleurs très clairement sur lui, plutôt que sur ses armes et ses troupes, que compte en premier lieu la Russie dans l’espoir d’amener Kiev à la table des négociations. Elle est occupée depuis plusieurs jours à lui préparer avec soin le terrain, ce qu’elle fait en bombardant les installations énergétiques, à peu près où quelles se trouvent en Ukraine. La saison réfrigérante ne faisant que commencer, cette tactique n’apporte pas encore tous ses fruits. Pour autant, il serait hâtif de décréter dès à présent qu’elle va échouer. La propagande de guerre occidentale agitait le spectre d’un recours par la Russie à l’arme nucléaire tactique, mais en fin de compte, c’est tout le contraire qu’elle fait : tirer avantage de ce qui est naturel et périodique. Ce n’est pas la première fois dans son histoire que la Russie agit de la sorte. Dans les pires moments de son histoire, elle s’est alliée à l’hiver, faisant de lui sa meilleure arme. L’autre chose mauvaise en soi, mais qui peut elle aussi se dévouer pour la bonne cause, c’est-à-dire la paix en Ukraine, c’est l’inflation qui s’abat partout, à quelques exceptions près, qui probablement ne sont pas appelées à durer. L’inflation, au niveau où elle est déjà, est une sorte d’hiver, qui au lieu de forcer les individus à se recroqueviller sur eux-mêmes pour garder leur chaleur, les contraint à limiter leurs dépenses à ce qui est nécessaire à leur survie. L’inflation qui sévit aujourd’hui, et dont tout indique qu’elle n’est pas près de refluer, n’a pas été causée par la guerre en Ukraine, ayant commencé avec la pandémie. On parle du retour de l’inflation comme si sa nature et ses causes n’avaient pas changé. La réalité, c’est que celle d’aujourd’hui et celle d’il y a une quarantaine d’années, à laquelle on n’arrête pas de la comparer, sont très différentes. La particularité de celle d’aujourd’hui, c’est qu’elle s’accompagne de pénuries de produits de grande consommation. En Europe, les produits alimentaires de base n’ont pas seulement renchéri, ils se sont mis à manquer. Là aussi, cela ne fait que commencer. La pénurie entraîne la hausse des prix, cela tombe sous le sens. Le monde n’est pas aux prises avec une inflation dont la ou les causes seraient purement monétaires. Si c’était le cas, des contre-mesures monétaires, au premier chef la hausse des taux d’intérêt, suffiraient à la faire retomber, non pas dans l’immédiat sans doute, mais au bout d’un certain temps. Mais si les causes de l’augmentation des prix ne sont pas monétaires mais réelles, la hausse des taux d’intérêt n’y pourra rien. Il se trouve qu’une pénurie au moins de celles qui font leur comeback dans les sociétés dites d’abondance, et elle est essentielle, est d’une certaine façon liée à la guerre en Ukraine : la pénurie des produits énergétiques, du gaz tout particulièrement. En Europe, elle est volontaire, découlant d’un choix politique. C’est une conséquence de la guerre. Seule la fin de celle-ci peut y remédier. En plus de l’hiver, il y a l’inflation donc, sur quoi la Russie peut compter pour amener ses ennemis à composition.

 

Mohamed Habili

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