A l’aube de la crise sanitaire du Covid-19, plusieurs observateurs politiques avaient critiqué la rhétorique guerrière d’Emmanuel Macron, qui assurait alors que la France était «en guerre» contre le virus et qui avait utilisé ce terme, lourd de sens, six fois dans son discours du 16 mars 2020. Lourd de sens, car prononcé par des responsables politiques ce terme implique de lourdes conséquences. Des conséquences que n’a visiblement pas mesurées le ministre français de l’Économie, Bruno Le Maire, qui assurait, hier, sur un plateau de télévision, que le pays allait livrer «une guerre économique et financière totale à la Russie» et voulait «provoquer l’effondrement de l’économie russe». Une déclaration qui, sans surprise aucune, a été prise au pied de la lettre par Moscou qui a rapidement répliqué. Dmitri Medvedev, qui fut président de la Russie de 2008 à 2012 et qui est aujourd’hui vice-président du Conseil de sécurité de Russie, proche de Vladimir Poutine, a tweeté quelques minutes après les propos tenus par Le Maire : «Faites attention à votre discours, messieurs ! Et n’oubliez pas que les guerres économiques dans l’histoire de l’humanité se sont souvent transformées en guerres réelles». Des propos qui ont par ailleurs de quoi surprendre, la France n’étant, actuellement, nullement en guerre avec la Russie, bien qu’ayant univoquement pris le parti de l’Ukraine. L’on imagine donc que les termes utilisés par Le Maire relèvent plus de l’inexpérience et de la communication ratée que d’une réelle volonté de déclarer la «guerre», la vraie. L’excès de communication gouvernementale lors de la crise du Covid-19 et la prépondérance de l’usage des réseaux sociaux a visiblement déboussolé certains responsables politiques qui oublient que dans certaines contrées les mots ont encore du sens et que certains sont plus dangereux que d’autres. Le ministre français a finalement, dans le courant de la journée de mardi, tenu à revenir ses propos. «Nous apportons un soutien total au peuple ukrainien dans cette crise. Nous sommes déterminés à imposer des sanctions massives et efficaces contre la Russie mais nous ne sommes pas en conflit contre le peuple russe», a-t-il tenu à préciser dans une déclaration à l’AFP. «Le terme de ‘’guerre’’ utilisé ce matin sur France info était inapproprié et ne correspond pas à notre stratégie de désescalade». Reste à voir si l’Élysée a passé un coup de fil à Bercy pour exiger un rétropédalage de la part de Le Maire ou si le ministre de l’Économie, après le tweet de Medvedev, s’est lui-même rendu compte de sa bêtise. Quoiqu’il en soit, en ces temps de tensions extrêmes les responsables politiques qui s’expriment doivent faire très attention aux mots et aux expressions qu’ils utilisent car contrairement au Covid-19 qui ne pouvait pas répondre à leurs rodomontades, la Russie, elle, ne laissera rien passer.