Si les représentants de La France Insoumise arboraient des têtes de vainqueurs dimanche soir, en réalité la victoire de la coalition de gauche qu’ils menaient a été bien moins impressionnante que prévue. Et si effectivement ils ont réussi à empêcher Emmanuel Macron d’obtenir la majorité dont il a besoin pour diriger le pays, ils n’ont pas réussi à s’imposer eux-mêmes comme les maîtres du Parlement. Toutefois, Jean-Luc Mélenchon, avec les 150 sièges obtenus par la Nouvelle union populaire et sociale (NUPES), se voyait déjà comme l’opposant principal de la coalition présidentielle, qui elle a récolté 250 sièges. Mais les autres partis constituant la NUPES ont faussé les calculs de LFI en refusant de former un groupe unique à l’Assemblée nationale. Or, les Insoumis, seuls, n’ont obtenu que 75 députations, soit plus de quatre fois plus que lors des législatives de 2017, mais toujours moins que le Rassemblement National qui lui a obtenu 88. La décision des autres partis de la NUPES a ainsi déstabilisé le chef de file des Insoumis qui ne cache pas sa surprise. «Pour moi, c’était évident», a-t-il reconnu lundi en début d’après-midi. Pour empêcher que «l’extrême-droite» devienne le premier groupe d’opposition, Jean-Luc Mélenchon a fait part d’une «proposition» : la constitution d’«un seul groupe» de la NUPES à l’Assemblée. «Un geste symboliquement et politiquement nécessaire», a jugé l’Insoumis. Ce n’était pourtant pas ce qui était prévu : les forces de gauche avaient signé pour s’accorder sur un «intergroupe» à l’Assemblée. Rien de plus. «C’est une proposition et non une injonction», a cependant précisé Mélenchon. «Si nous le faisons, nous serons conformes à notre engagement auprès de ceux qui ont voté pour nous», a-t-il indiqué, comme pour convaincre ses partenaires. L’Insoumis a d’ailleurs ajouté que «chaque parti pourrait avoir une délégation qui s’auto-organise». «Dussions-nous à cette occasion perdre quelques moyens matériels, j’estime que c’est dérisoire par rapport à l’enjeu qui se dessine devant nous», a-t-il insisté, précisant qu’il s’exprimait «avec la force de quelqu’un qui n’a plus rien en jeu pour lui». Les différents partis de gauche ont cependant immédiatement fermé la porte à cette idée. «La gauche est plurielle, elle est représentée dans sa diversité à l’Assemblée nationale. C’est une force au service du peuple français. Vouloir supprimer cette diversité est une erreur, et je m’y oppose», a fait savoir Valérie Rabault, la présidente du groupe PS, sur Twitter. «Ce sont ses vieilles méthodes de trotskiste qui ressortent», raille un cadre socialiste. «On parlait d’un intergroupe ce qui suppose des groupes… et des décisions concertées», souffle un cadre d’EELV. Le PCF a également refusé. Hier matin, son patron, Fabien Roussel, a rappelé l’«accord électoral» passé et ayant permis de «plus que doubler le nombre de députés de gauche». Cependant, «il n’y a pas un parti unique, ni un groupe unique. C’est important qu’il y ait quatre groupes à l’Assemblée nationale pour nous représenter, faire vivre nos différences», a déclaré l’élu, qui rappelle que les partis sauront s’unir sur certains sujets. Face à ces réactions, Mélenchon a répliqué sur Twitter, rappelant qu’il n’avait «pas proposé la dissolution des partis mais la formation d’un groupe parlementaire commun». «Chacun pourra bien sûr constituer une délégation distincte à l’Assemblée nationale comme nous le faisons déjà chacun au Parlement européen», a-t-il répété. Pour convaincre leurs partenaires, Mathilde Panot, la présidente du groupe LFI, a proposé sur Twitter la mise en place d’une «présidence tournante». Mais les autres partis de la NUPES ont bien conscience du caractère dictatorial de La France Insoumise et préfèrent éviter de se retrouver empêtrer dans un groupe qui pourrait de toute façon exploser en cours de route et créer de fortes dissensions qui ne pourront qu’avantager leurs opposants.