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vendredi 1 décembre 2023

Frontières

En 2014, l’émergence de l’État islamique quelques années après le début de la guerre civile syrienne avait fourni à Recep Tayyip Erdogan un parfait moyen de pression vis-à-vis de l’Union européenne grâce aux centaines de milliers de migrants qui tentaient désespérément de rejoindre le vieux continent et qui devaient passer par la Turquie pour atteindre l’Europe. Aujourd’hui, avec le retour des talibans en Afghanistan et la perspective d’une arrivée massive d’afghans fuyant le régime islamiste, les pays de l’UE accusent le Bélarus de mener «une attaque directe» en poussant les demandeurs d’asile à franchir sa frontière. Les Européens accusent en effet le président du Belarus, Alexandre Loukachenko, d’orchestrer l’arrivée de milliers de personnes aux frontières de la Lituanie, de la Lettonie et de la Pologne, en représailles aux sanctions imposées à l’ancienne République soviétique. Les ministres de l’Intérieur des 27 États membres de l’UE ont déclaré, dans un communiqué qui sera publié à l’issue d’une réunion d’urgence, que le Belarus cherchait à «instrumentaliser des êtres humains à des fins politiques». «Ce comportement agressif est inacceptable et constitue une attaque directe visant à déstabiliser l’UE et à faire pression sur elle», ont-ils affirmés. La question est devenue plus aiguë à la lumière de la prise de contrôle de l’Afghanistan par les talibans qui s’est achevée dimanche. De nombreux afghans tentent de fuir le pays, craignant des représailles. Les États membres de l’UE sont nerveux à l’idée de voir se reproduire la crise migratoire européenne de 2015/16, lorsque l’arrivée chaotique de plus d’un million de personnes en provenance du Moyen-Orient a mis à rude épreuve les systèmes de sécurité et de protection sociale et alimenté le soutien aux groupes d’extrême droite. Les ministres, sans faire directement référence à l’Afghanistan, ont déclaré qu’il était «nécessaire de renforcer l’ensemble de la frontière extérieure  de l’UE» pour empêcher les traversées illégales à l’avenir. Loukachenko a déclaré qu’il ne retiendrait plus les migrants en raison des sanctions imposées après l’élection présidentielle contestée de l’année dernière et la répression des manifestants et des dissidents qui a suivi. La déclaration des ministres indique que les pays limitrophes du Belarus et d’autres agences de l’UE ont déjà reçu une aide financière et technique pour gérer la crise des migrants, et que d’autres aides pourraient être envoyées si nécessaire. La ministre lituanienne de l’intérieur, Agne Bilotaite, a déclaré que l’installation d’une clôture et d’un système de surveillance pourrait coûter plus de 500 millions d’euros, et que son pays espérait un soutien de l’UE. «La Commission européenne a alloué 37 millions d’euros d’aide d’urgence à la Lituanie pour répondre aux besoins immédiats», a-t-elle déclaré dans un communiqué. «Cependant, dès septembre, la Lituanie a l’intention de demander une aide financière supplémentaire». Le HCR, l’agence des Nations unies pour les réfugiés, s’est pour sa part dit «profondément préoccupé» par les refoulements aux frontières et la Croix-Rouge lituanienne a déclaré qu’elle doutait qu’ils respectent les obligations des pays en vertu des traités internationaux relatifs aux droits de l’homme. Reste à voir si Loukachenko réussira à exploiter ces migrants aussi bien que l’a fait Erdogan, ou si la haine viscérale des Européens vis-à-vis du Bélarus les poussera à adopter une autre stratégie que celle menée avec la Turquie. L’on imagine mal l’UE verser à Loukachenko des milliards d’euros, comme elle le fait avec Erdogan.

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