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samedi 20 avril 2024

Fantôme

En février 2022, à la suite de l’invasion de l’Ukraine par Moscou, la France formait un Conseil de défense pour mettre en place la stratégie que le pays devait adopter face au belligérant russe. Un Conseil de défense présidé par Emmanuel Macron, qui s’il était alors candidat à sa propre succession, était aussi encore le dirigeant de la France. Estimant peut-être que cela donnait au candidat-président une aura de chef de guerre à même d’influencer les électeurs, Valérie Pécresse, la candidate des Républicains, jadis grand parti de droite, décidait alors quelques jours plus tard de mettre en place son propre Conseil de défense, composé de cadres, d’anciens ministres et de parlementaires de son parti. Une initiative alors lourdement moquée par ses adversaires qui mettait en évidence l’inutilité d’un conseil sans pouvoir et mis en place uniquement pour mimer celui avec de véritables prérogatives mis en place par Macron. Aujourd’hui, un peu plus d’une année après l’humiliante défaite de Pécresse à la présidentielle, Éric Ciotti, président LR, dévoile à son tour dans le JDD un «contre-gouvernement» alternatif à Emmanuel Macron pour défendre les idées du parti et bâtir un projet programmatique. «Je souhaite que les travaux programmatiques s’organisent autour de celui qui aura été chargé de la thématique», explique le dirigeant des Républicains. Deux mois après le déchirement du parti à l’Assemblée Nationale autour de la réforme des retraites, ce «contre-gouvernement» mêle toutes les tendances de LR. Mais le chef de file des frondeurs, Aurélien Pradié, limogé de son poste de numéro 2, n’y figure pas. Sous la houlette de la secrétaire générale de LR, Annie Genevard, cette équipe d’une trentaine de «secrétaires nationaux» s’inscrit aussi dans l’effort de reconstruction de LR, à la fois affaibli par ses revers électoraux et devenu pivot grâce à ses quelque 60 députés pouvant apporter l’appoint à la majorité au Parlement. Le «shadow cabinet» est une tradition très institutionnalisée dans les pays anglo-saxons, où chaque responsable d’un dossier est un futur ministre en puissance. En France, la désignation d’un tel cabinet par les partis d’opposition est peu fréquente, mais pas inédite. Alors président de LR, Laurent Wauquiez s’était lui aussi doté en novembre 2018 d’un «cabinet fantôme», où Eric Ciotti était chargé de l’Intérieur. La présidente du RPR (ancêtre de LR) Michèle Alliot-Marie avait aussi nommé en 2000 un cabinet alternatif au gouvernement de la gauche plurielle de Lionel Jospin. Reste que concrètement ce type de cabinet est assez dérisoire, surtout lorsqu’il est constitué au sein d’un parti ayant obtenu moins de 5 % de voix à la dernière élection présidentielle et 7 % aux dernières élections législatives. Un «cabinet fantôme» de ce type n’est par ailleurs pas le meilleur moyen de prouver aux Français que Les Républicains sont capables de gérer le pays. La mise en place d’un programme solide et la mise en avant d’une personnalité charismatique et crédible à même de remporter la présidentielle de 2027 devrait être aujourd’hui la priorité du parti de droite qui pourrait finir comme le Parti socialiste, un parti qui a régné durant des décennies sur la France et qui désormais ne peut survivre qu’en s’accrochant à La France Insoumise.

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