Mécontent de l’appel lancé par plusieurs pays en faveur de la libération de l’opposant Osman Kavala, le président turc Recep Tayyip Erdogan a annoncé samedi avoir ordonné l’expulsion, «au plus vite», de dix ambassadeurs dont ceux de France, d’Allemagne et des Etats-Unis.
«J’ai ordonné à notre ministre des Affaires étrangères de déclarer au plus vite ces dix ambassadeurs persona non grata», a affirmé le chef de l’Etat lors d’un déplacement dans le centre de la Turquie, sans préciser la date à laquelle les diplomates devront partir. Ces diplomates «doivent connaître et comprendre la Turquie», a poursuivi M. Erdogan, en les accusant d’«indécence». «Ils devront quitter le pays s’ils ne le connaissent plus», a-t-il ajouté. Mesure rare dans les relations internationales, déclarer «persona non grata» des diplomates ouvre la voie à leur expulsion ou leur rappel par leur propre pays. Selon une source diplomatique allemande, les dix pays concernés se concertaient samedi soir, sans avoir toutefois reçu de notification officielle de la mesure. «Du matin au soir ils (les diplomates) répètent : Kavala, Kavala… Mais celui dont vous parlez, Kavala, c’est l’agent de Soros en Turquie», a affirmé le Président Erdogan durant une réunion publique, faisant une nouvelle fois référence au milliardaire américain d’origine hongroise, George Soros, auquel il compare régulièrement l’opposant. Dans un communiqué publié lundi soir, le Canada, la France, la Finlande, le Danemark, l’Allemagne, les Pays-Bas, la Nouvelle-Zélande, la Norvège, la Suède et les États-Unis, avaient appelé à un «règlement juste et rapide de l’affaire Osman Kavala», homme d’affaires et mécène turc devenu une bête noire du régime, emprisonné depuis quatre ans sans jugement. Dès le lendemain, ils avaient été convoqués au ministère des Affaires étrangères, les autorités turques jugeant «inacceptable» leur démarche. Le chef de l’État turc avait menacé jeudi d’expulser ces ambassadeurs, sans cependant prendre de mesures concrètes dans ce sens. Il avait déclaré ce même jour que les ambassadeurs réclamant la libération de l’homme d’affaires ne demanderaient pas celle de «bandits, d’assassins et de terroristes dans leur propre pays». Dans une déclaration écrite, Osman Kavala a jugé vendredi que cela n’aurait «aucun sens» pour lui d’assister à son futur procès en raison de l’impossibilité d’obtenir une procédure équitable à la suite de récentes déclarations de Recep Tayyip Erdogan. Parmi les premiers pays à réagir, samedi soir, la Suède, la Norvège, le Danemark et les Pays-Bas ainsi que l’Allemagne ont fait savoir qu’ils n’avaient reçu aucune notification officielle concernant leurs ambassadeurs respectifs à ce stade. «Notre ambassadeur n’a rien fait qui puisse justifier l’expulsion», a indiqué une porte-parole du ministère norvégien des Affaires étrangères, Trude Måseide, citée par l’agence de presse NTB, ajoutant que son pays «continuera d’exhorter la Turquie à adhérer aux normes démocratiques». «Nous sommes actuellement en consultation intensive avec les neuf autres pays concernés», a, de son côté, annoncé le ministère allemand des Affaires étrangères. Plusieurs parlementaires néerlandais ont réagi sur les réseaux sociaux.
Meriem Benchaouia