Depuis la prise de fonction du président turc Recep Tayyip Erdogan, plusieurs changements ont eu lieu dans la gestion de la politique extérieure de la Turquie. Le plus important étant le détachement progressif d’Ankara de ses relations avec l’Occident pour se rapprocher de la Russie. Toutefois, lorsqu’il s’agit de défendre l’Otan au sein de laquelle la Turquie joue un rôle prépondérant, Ankara n’hésite pas à égratigner son allié russe. La Turquie a en effet exhorté hier la Russie à abandonner ses exigences «unilatérales» et à adopter une approche plus constructive pour sortir de son impasse avec les puissances occidentales et l’Otan au sujet de l’Ukraine. «Pour qu’une proposition soit acceptée, elle doit être acceptable par les deux parties», a déclaré le ministre turc des Affaires étrangères, Mevlüt Cavusoglu, alors que pourrait se réunir le 12 janvier le Conseil Otan-Russie, l’instance de consultation créée en 2002 entre les deux blocs. La Russie a dévoilé le 17 décembre des propositions de traités pour limiter drastiquement l’influence américaine et de l’Otan dans son voisinage, à un moment où Moscou est accusé de préparer une offensive contre l’Ukraine, pays voisin avec lequel elle est en conflit depuis 2014. Les deux textes présentés, l’un concernant l’Otan et l’autre les États-Unis, prévoient d’interdire tout élargissement de cette alliance militaire, notamment à l’Ukraine, et tout établissement de bases militaires américaines dans les pays de l’ex-espace soviétique. L’Union européenne et l’Otan ont réaffirmé jeudi leur soutien à l’Ukraine. L’Alliance atlantique n’a cessé depuis sept ans de dénoncer l’annexion par la Russie de la péninsule ukrainienne de Crimée et d’exiger le respect de la souveraineté territoriale de l’Ukraine, mise à mal par un conflit avec des séparatistes pro-russes dans l’est du pays. La Russie et le camp occidental s’accusent mutuellement de provocations en renforçant les capacités militaires à leurs frontières communes. Le président russe Vladimir Poutine avait critiqué début décembre l’utilisation par l’armée ukrainienne de drones militaires fournis par Ankara. La Turquie s’est aussi attirée les foudres de l’Otan pour avoir acheté un système de défense russe malgré son appartenance à l’alliance. Les Turcs se retrouvent ainsi pris entre deux feux et semblent se lancer dans un rétropédalage assez grotesque qui n’est pas très convaincant. Reste à voir s’ils oseront hausser le ton face à Poutine, qui est l’un des principaux alliés d’Ankara ces dernières années, pour retourner dans le giron américain, ou s’ils tenteront encore de ménager la chèvre et le chou.
F. M.