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jeudi 18 avril 2024

Europe: La grande distribution s’engage à «lutter contre la déforestation importée liée au soja»

Les importations massives de soja en Europe et en France répondent à une très forte demande pour l’alimentation du bétail. Or, cultiver du soja dans la forêt amazonienne engendre une véritable catastrophe écologique, notamment sous la forme d’incendies dévastateurs et d’une déforestation insoutenable. Pour répondre à cette urgence environnementale, la grande distribution annonce vouloir s’engager.
Si l’on devait trouver une fonction principale à notre planète ce serait sans doute celle d’une «ferme planétaire». En effet, 80 % des terres agricoles sont utilisées pour l’élevage et 60 % de la biomasse terrestre des mammifères provient des animaux d’élevages.
Cet élevage massif nécessite toujours plus de terres pour les pâturages mais surtout pour la culture de l’alimentation des animaux : soja, maïs et tournesol notamment. Et c’est en grande partie ce qui explique les incendies dévastateurs qui sont déclenchés chaque année pendant l’hiver austral dans la forêt amazonienne.
Selon le rapport de Greenpeace «Mordue de viande – L’Europe alimente la crise climatique par son addiction au soja», «au Brésil, la production de soja a plus que quadruplé ces 20 dernières années (…) L’agriculture industrielle est l’un des principaux moteurs de la crise climatique mondiale : elle est à l’origine des deux tiers de l’ensemble de la déforestation en Amérique du Sud, en grande partie à cause de l’augmentation de la demande de terres pour la culture du soja et l’élevage de bétail (…) Avec près de 33 millions de tonnes de soja (sous toutes ses formes) importées chaque année, l’Union européenne (UE) est le deuxième importateur mondial de soja, derrière la Chine ; la France dépend pour moitié des importations de protéines végétales pour l’alimentation du bétail. Cette dépendance est imputable à l’élevage industriel : 87 % du soja utilisé dans l’UE est destiné à l’alimentation animale».
Greenpeace estime qu’un cinquième du soja importé en Europe serait issu de la déforestation/conversion d’écosystèmes remarquables, tels que le Cerrado, le Gran Chaco etc. Le Cerrado, la plus grande savane tropicale du monde, abrite l’emblématique jaguar et plus de 10 000 espèces de plantes. Toutefois, il produit environ 60 % du soja brésilien : plus de la moitié de cet écosystème a déjà été défriché pour faire place à la culture du soja et à l’élevage du bétail.
La France importe chaque année plus de 3,5 millions de tonnes de soja, soit
l’équivalent de 40 kg par habitant et par an, 90 % sert à l’alimentation des animaux d’élevages comme les poulets et les porcs, qui sont ensuite vendus dans les supermarchés, fast-food et restauration collective et restaurants.
Les conséquences de ces incendies sont dramatiques : destruction du vivant dont des espèces inestimables, perturbation du cycle de l’eau, émissions massives de carbone et de polluants dans l’atmosphère…
La solution est très simple mais nécessite une volonté qui semble hors d’atteinte : manger significativement voire plus du tout de viande, viande qui n’a aucune valeur ajoutée nutritionnelle dans les pays riches où l’abondance alimentaire en végétaux permet de s’en passer. Mais les Hommes sont faibles et égoïstes et continuent donc de s’empiffrer de viande, particulièrement pendant les fêtes de fin d’année.
Autre alternative partielle : manger de la viande issue de l’agriculture biologique. En effet, la nourriture des animaux d’élevage doit être bio et provient souvent de l’exploitation ou d’une coopérative locale. De plus, l’élevage des vaches et brebis, herbivores, repose sur l’utilisation maximale des pâturages, selon leurs disponibilités durant les différentes périodes de l’année.

L’industrie agroalimentaire complice de la déforestation en Amazonie
La responsabilité de la grande distribution est clairement établie. Ainsi, Bunge, le plus grand importateur de soja en France (40 % du soja brésilien selon TRASE), est associé aux grandes exploitations qui ont défriché près de 39 000 hectares de forêts en Amazonie et au Cerrado au Brésil depuis mars 2019. C’est l’analyse de l’ONG Mighty Earth qui pointe du doigt le groupe LDC, numéro un européen de la volaille (marques Le Gaulois, Maître Coq, ou encore Marie). Celui-ci est complice de cette déforestation en vendant des poulets nourris au soja brésilien.
L’explosion de la demande en soja s’explique par l’augmentation continue de la consommation de viande et produits laitiers. La volaille, particulièrement riche en soja «caché», est la principale destinataire du soja que nous importons.
Klervi Le Guenic, chargée de campagne de l’association Canopée qui vient d’analyser les engagements des distributeurs, explique : «LDC vend plus d’un million de tonnes de volaille chaque année. Quand on sait qu’il faut plus de 100 g de soja pour produire 100 g de viande de poulet, le calcul est vite fait. Le leader du marché en Europe a un rôle majeur à jouer, et il doit prendre ses responsabilités. Il doit s’engager à garantir que ses volailles ne soient pas nourries avec du soja responsable de la destruction du Cerrado ou de l’Amazonie».
Pour répondre aux critiques de plus en plus pesantes et pour redorer leur image, l’ensemble des distributeurs français – les premiers vendeurs de viande bovine en France – s’est réuni autour d’un engagement commun sur le soja. Auchan, Carrefour, Casino, E. Leclerc, Le Groupement Les Mousquetaires, Lidl, Métro, Système U ont signé en novembre 2020 un Manifeste «pour une mobilisation des acteurs français pour lutter contre la déforestation importée liée au soja».
«Cet engagement soutenu et accompagné par Earthworm Foundation va permettre de créer une dynamique de transformation et de mutualisation des actions dans la filière. Il envoie un signal fort aux pays producteurs, en particulier, le Brésil, qui connait un taux de déforestation dramatique ces dernières années», indique le communiqué d’Earthworm Foundation.
Earthworm Foundation (ex-The Forest Trust) est une ONG internationale à but non lucratif, qui développe des solutions concrètes et durables pour agir sur les chaînes d’approvisionnement des matières premières et contribue à un meilleur équilibre social, environnemental et économique.
Si la grande distribution dit vouloir s’engager, «les entreprises de la viande comme LDC, du lait comme Lactalis et les chaînes de restauration rapide comme Quick et Burger King sont elles restées sourdes aux appels répétés des citoyens et associations environnementales», précise Mighty Earth.

Un engagement qui s’inscrit dans le plan protéines du gouvernement
Le plan protéines végétales annoncé le 1er décembre dernier vise à relocaliser la production de protéines végétales en France, pour ainsi réduire la dépendance au soja importé. L’objectif est d’arriver à une diminution rapide du soja importé dans les filières françaises, soutenue en parallèle par une relocalisation française et européenne du soja et de ses substituts (pois, féverole, lupin, luzerne, etc.).
Outre les distributeurs, cela devra passer par un engagement de la filière industrielle.
Earthworm Foundation soutient et accompagne les distributeurs dans leurs engagements, et prévoit de les aider à exclure de leurs chaînes d’approvisionnements tout soja provenant d’une zone déforestée ou convertie après le 1er janvier 2020. A terme, c’est l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement qui sera plus responsable. «Notre ONG a activement contribué aux différents groupes de travail liés à la Stratégie nationale de lutte contre la déforestation importée (SNDI). Earthworm Foundation a travaillé en collaboration avec d’autres ONG à une meilleure prise de conscience de la problématique du soja dans les chaînes d’approvisionnement, permettant de créer cette dynamique historique au sein de la grande distribution française. Elle nous permet d’imaginer maintenant une transformation à court terme», témoigne Fabien Girard, directeur du bureau France d’Earthworm Foundation.
Christophe Magdelaine/ notre-planete.info

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