Le vote auquel il a été procédé, il y a deux jours, à l’ouverture du deuxième procès en destitution de Donald Trump, portant sur la constitutionnalité même de la procédure, s’est soldé par 56 voix pour et 6 voix contre. Le même vote avait eu lieu le 26 janvier dernier au Sénat, à ceci près qu’il portait alors sur l’inconstitutionnalité du procès engagé contre un président qui n’était plus en fonction, avait déjà donné, à une voix près, le même résultat : 55 voix contre et 5 voix pour. Ainsi donc, lors du deuxième vote, un seul sénateur républicain s’est détaché de la masse des siens pour joindre sa voix à celles des démocrates et des 5 de son camp qui avaient voté avec eux la première fois. On sait que la condamnation de Trump exige pour être prononcée d’être approuvée par deux tiers des sénateurs, qui sont au nombre de 100. Pour qu’elle soit votée le moment venu, qu’il reste à fixer, il faudrait qu’au moins 17 républicains y souscrivent en même temps que les 50 démocrates. A moins d’un miracle, cette cause est donc d’ores et déjà perdue. Or s’il y a un procès que les démocrates et avec eux un grand nombre d’Américains ne doivent perdre à aucun prix, c’est bien celui qui se tient aujourd’hui contre un président directement responsable de l’envahissement du capitole par une foule le de ses partisans.
A l’ouverture du procès, l’accusation a projeté dans la salle un film d’un quart d’heure susceptible de remplir d’horreur le moins enthousiaste des patriotes américains. Aucune image de ce film n’est en soi nouvelle, mais elles s’y enchaînent dans une progression dramatique effroyable. Elles sont poignantes, parce que tragiques, y compris pour un non Américain. On se prend à se demander à la fin si les Etats-Unis tels qu’on les avait toujours connus n’ont pas en fait cessé d’exister. S’ils étaient capables de se relever d’une telle violence contre le premier de leurs symboles nationaux, de se laver d’une souillure sans précédent dans leur histoire. Une bande fasciste, sur le signal du président des Etats-Unis en personne, a pris d’assaut la Maison commune, dans l’intention de faire violence aux représentants du peuple, et même d’en tuer quelques-uns. Bruit, fureur, et saccage. Enfer et damnation. Mais bravoure aussi, notamment de la part de ce policier de couleur qui avec un sang-froid incroyable a entraîné loin de la Chambre des représentants une foule lancée à la recherche de celle-ci dans le dédale des couloirs et des escaliers. Suivez-moi, semblait-il leur dire, marchant le plus souvent à reculons, je vais vous y conduire. Lors qu’ils s’approchaient de lui de trop près, il se retournait et courait un peu pour se mettre hors de leur portée. Mais c’était pour leur faire face à nouveau, les aimantant de sa poitrine et de sa matraque qu’il battait machinalement contre son autre paume, les canalisant comme par un tour de passe-passe, les fourvoyant en réalité, les conduisant loin de ceux qu’ils recherchaient pour les massacrer. Il s’appelle Eugene Goodman.