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jeudi 30 mars 2023

Entretien/Le conteur Seddik Mahi : «Le conte est marginalisé dans notre pays»

Seddik Mahi est un artiste conteur qui ne ménage aucun effort pour la préservation et la promotion du conte algérien. Ce patrimoine oral n’est pas une passion pour cet homme d’art, mais un trésor et une culture qu’il faut protéger et transmettre aux prochaines générations. Il nous raconte comment il a pu tracer son chemin malgré les contraintes et les obstacles.

Propos recueillis par Abla Selles

Le Jour d’Algérie : Comment est née votre passion pour les contes ?
Seddik Mahi : Le conte est un héritage ancestral et un patrimoine oral qui était transmis de génération en génération lors des rassemblements avec el goual dans les placettes de la ville. Moi, j’ai eu la chance d’avoir une maman passionnée de cet art et qui avait du talent à le faire. Chaque soir, elle nous racontait un conte portant des messages éducatifs, sociaux, religieux et humanistes. J’assistais aussi aux soirées animées par el goual du quartier qui alimentait nos soirées durant l’été. Avec le temps, j’ai découvert que je pouvais devenir conteur professionnel et me suis lancé dans la recherche pour mieux connaître cet art et transmettre le maximum de contes possible. Cependant, le manque de programmation lors des grands évènements et l’absence totale des rencontres entre les conteurs met cet héritage immatériel en danger.

De quel danger voulez-vous parler ?
D’abord, aucun évènement dédié à ce patrimoine oral n’existe dans notre pays et les programmations sont très rares. En Algérie, le nombre des conteurs est très réduit malgré l’énorme quantité de contes qui existent. Cette situation pourra nous faire perdre ce trésor en l’absence d’une volonté concrète de le préserver. A l’étranger, les gens accordent une grande importance à cet art pour connaître la culture de leur pays, le quotidien des ancêtres. En ce qui me concerne, j’ai participé à plusieurs festivités internationales au Liban, en Egypte, en Jordanie, en France, au Portugal, enEspagne et autres. Ces expériences m’ont donné un coup de pouce pour améliorer mon travail et m’engager pour protéger une partie de notre identité nationale.

Pensez-vous qu’un festival dédié au conte améliorera la situation ?
Aujourd’hui, on doit utiliser tous les moyens et les supports pour rendre la vie à cet art, à commencer par la famille. En s’approchant du milieu scolaire, on peut inculquer la passion du conte chez les enfants et que les mamans reprennent cette habitude petit à petit. Mais pour un festival régulier dédié à cet art, ce n’est pas vraiment une solution pour les problèmes de fond. D’abord, il faut profiter du peu de conteurs qui existent pour promouvoir et sauvegarder ce patrimoine. En prenant en charge les conteurs, on sauve les contes de l’oubli. Et puis, il faut qu’il y ait une prise de conscience de la valeur de cet art pratiqué au quotidien par nos ancêtres.

Parlez-nous de vos projets d’avenir…
Chaque jour, il y a des choses à prévoir et à faire. Je travaille actuellement sur un CD dans lequel j’enregistre des contes du patrimoine national. Je considère ce travail comme un devoir de mémoire urgent pour préserver ce patrimoine et le protéger de l’oubli.
Cet enregistrement se veut aussi une référence pour faire découvrir aux prochaines générations la manière que nos ancêtres utilisaient pour raconter un conte.
Je pense que le conte est une passerelle entre les générations, qui protège l’identité et la culture de chaque pays. Je tiens à saluer, dans ce sens, tous les gens qui m’ont encouragé pour à entamer cette belle expérience. Je travaille aussi sur mon deuxième livre dans lequel j’ai réuni des contes de ma défunte mère.
A. S.

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