Durant le mandat de François Hollande à l’Élysée en France, alors que Barack Obama était toujours à la Maison-Blanche et que David Cameron était à la tête de la Grande-Bretagne, la politique de l’Occident face à la Russie était plutôt homogène. Une relation très antagonique opposait l’Europe et les États-Unis à Vladimir Poutine, traité régulièrement et sans détours de dictateur. Aujourd’hui, avec Donald Trump à Washington, Emmanuel Macron à Paris et Boris Johnson à Londres, les choses ont beaucoup changé et la Russie est considérée comme une nation forte avec laquelle l’on préfère avoir de bonnes relations, même si l’on critique certaines méthodes parfois musclées de l’exécutif. Berlin, toutefois, avec la même Angela Merkel dirigeant l’Allemagne depuis quinze ans, continue à considérer le Kremlin comme un adversaire capable du pire et notamment d’empoisonner un opposant politique. La Russie a dans ce cadre accusé vendredi les Allemands de «refuser catégoriquement» de coopérer aux investigations de la police russe sur l’empoisonnement présumé de l’opposant Alexeï Navalny, soigné à Berlin, version que Moscou continue de mettre en doute. La police russe avait déclaré en août avoir lancé des vérifications préliminaires après l’hospitalisation de Navalny en Sibérie, se refusant à ouvrir une enquête criminelle officielle en disant ne pas disposer d’éléments suffisants accréditant la thèse de l’empoisonnement, alors que celle-ci était parallèlement confirmée par trois laboratoires européens. La police et le Parquet russes ont affirmé avoir envoyé des demandes d’assistance juridique à l’Allemagne, la France et la Suède, où sont situés ces trois laboratoires, restées «sans réponse». «Nous avons reçu un refus catégorique du gouvernement allemand de coopérer pour établir la vérité sur la situation d’Alexeï Navalny», a affirmé dans un communiqué le ministère russe des Affaires étrangères, accusant Berlin d’avoir «déclenché une vaste campagne pour accuser les autorités russes d’avoir prétendument empoisonné le principal opposant au Kremlin». «Contrairement à ses obligations (…) le gouvernement allemand s’oppose activement au contrôle préalable à l’enquête sur cet incident effectué en Russie», a-t-il poursuivi. Les alliés d’Alexeï Navalny accusent au contraire les autorités russes de faire traîner les procédures lancées par la police afin de ne pas avoir à ouvrir une enquête criminelle. L’opposant a lui-même tourné en dérision à plusieurs reprises, dans ses premières déclarations depuis qu’il est sorti du coma, la version changeante du Kremlin sur ce qu’il lui est arrivé, Moscou tantôt mettant en doute la thèse de l’empoisonnement, tantôt laissant entendre qu’il avait pu être empoisonné par les services secrets occidentaux, par ses propres alliés, voire même qu’il s’était empoisonné lui-même. Sorti de l’hôpital de Berlin, Alexeï Navalny doit encore suivre un long programme de rééducation après cet empoisonnement, selon les Européens, commis avec un agent neurotoxique de type Novitchok, substance conçue à des fins militaires à l’époque soviétique. Reste à voir si d’autres nations européennes se joindront à Berlin pour tenter de faire pression sur Moscou ou si les autorités allemandes continueront seules à être le fer de lance de cette affaire, alors que les Britanniques sont occupés avec les dernières négociations autour du Brexit, les Français avec le Covid-19 et un nouvel attentat et que les Américains sont dans la dernière ligne droite de l’élection présidentielle.