Le titre de représentant spécial de l’ONU pour la Libye est resté sans titulaire depuis la démission surprise du Slovaque Jan Kubis en novembre 2021, intervenue si prés de l’élection présidentielle prévue pour la fin de cette année mais qui finalement ne s’était pas tenue. Ce poste n’est plus vacant, ayant été attribué août dernier à un Africain, le Sénégalais Abdlouye Bathily, par le secrétaire général de l’ONU, Antonio Gutteres. Ce dernier a fini donc, conformément à son souhait personnel, par satisfaire une demande ancienne des Africains, pour qui l’un des leurs serait le mieux qualifié, ou humainement et intellectuellement le mieux armé, pour faire face à la complexité propre à la crise libyenne, vieille maintenant de plus d’une décennie. Avec une personnalité africaine d’expérience qui se retrouve représentant du secrétaire général de l’ONU, en même temps que chef de la Manul, la mission onusienne pour la Libye, c’est d’une certaine façon comme si l’Union africaine était associée à la recherche d’une solution en Libye, alors que jusque-là elle n’avait pas eu voix au chapitre, du moins en tant qu’organisation continentale.
Des pays comme l’Algérie et l’Egypte, la Tunisie et le Maroc, ont certes déployé des efforts dans ce sens, pris à tour de rôle des initiatives, mais il semble bien qu’ils l’aient fait moins en tant qu’Africains que comme voisins de la Libye, particulièrement intéressés à ce titre par ce qui s’y passait. Il était arrivé à l’Union africaine de revendiquer la gestion du dossier libyen, mais d’une part sans grande conviction, et de l’autre sans beaucoup de chance d’être écoutée, ce dossier étant dès le départ l’apanage du Conseil de sécurité. Mais maintenant que du moins dans une certaine mesure la mission consistant à trouver une solution à la crise libyenne est confiée à un diplomate africain, faut-il s’attendre à un déblocage rapide de la situation, toutes choses égales par ailleurs ? Il est clair que la réponse à cette question ne dépend pas tant de l’émissaire onusien, quelles que soient sa provenance et ses qualités personnelles, serait-il un Libyen, que de la volonté des factions libyennes de surmonter leurs divisions ou au contraire de continuer à les entretenir. Au regard des derniers événements survenus en Libye, comme de juste de nouvelles batailles rangées à Tripoli, ce serait faire preuve d’un optimisme plutôt béat que de croire que tout va aller beaucoup mieux maintenant que c’est un Africain qui mène la négociation. Or dans le cas de la Libye, il ne s’agit pas seulement de chercher un accord entre des camps opposés libyens, mais de trouver un terrain d’entente entre leurs alliés extérieurs les plus engagés à leurs côtés respectifs. En septembre dernier, au Caire, lors de la tenue d’une réunion ministérielle de la Ligue arabe, la délégation égyptienne a quitté la salle au moment où la ministre du gouvernement de Abdelhamid Dbeibah, Najla Mangoush, montait à la tribune. Les Egyptiens s’en sont expliqués ensuite, en disant que cette représentante appartenait à un gouvernement dont le mandat avait expiré, et que de ce fait ils ne reconnaissaient plus. Dans quelques jours désormais, se tiendra à Alger le sommet de la Ligue arabe, et le risque que la même scène se reproduise n’est pas à exclure tout à fait. Ce serait le cas échéant la meilleure preuve que la crise libyenne conserve toute son acuité plus d’une décennie plus tard.