Maintenant que les Russes ont perdu Izioum, que vont-ils faire ? Essayeront-ils avant tout de la reprendre, dans une contre-offensive qui dans ce cas ne saurait tarder, ou préfèreront-ils aller porter leurs efforts ailleurs, ce qui alors laisserait penser qu’en fait ils n’ont abandonné Izioum et ses environs que pour se redéployer ailleurs. Voilà le genre de questions qu’à présent tout le monde se pose, sans pouvoir y apporter la moindre réponse d’ailleurs, laissant en quelque sorte ce soin à la guerre elle-même, dont on sait au moins une chose et avec certitude, c’est qu’elle est encore passablement éloignée de sa fin. S’agissant d’Izioum, ceux-là mêmes qui sont certains qu’une grande bataille s’y est déroulée sont incapables de nous dire si elle constitue un tournant dans la guerre, en ce sens le commencement de la fin pour l’invasion russe, ou seulement une péripétie, à ce titre sans grande signification pour la suite des événements. Ce qui en revanche s’imposerait immédiatement comme un rebondissement plus que significatif, décisif, s’il advenait, ce serait que l’armée russe revienne à la charge dans Kharkiv et reprenne en particulier Izioum, quelques jours seulement après l’avoir perdue.
Le président ukrainien ne semble pas écarter totalement une tentative russe visant à récupérer le terrain concédé dernièrement. Ce qu’ont réalisé les Ukrainiens dans le nord-est, le fait est peu de gens l’auraient cru possible. C’est comme si l’armée ukrainienne qui avait plié devant l’avancée russe au cours des premiers mois de la guerre était en fait allée se refaire entièrement à l’arrière, à l’ouest, tout près des frontière avec l’Otan, dans les zones non touchées par la guerre, se muant bientôt en une autre armée, plus nombreuse et mieux armée non seulement par rapport à ce qu’elle était elle-même, mais par rapport à l’armée russe. Les Russes auraient tout à coup compris qu’ils n’avaient plus affaire à la même armée, que celle s’étant lancée dans une contre-offensive était autrement plus solide, plus combative, et disposant d’un armement supérieur au leur, ce qui les aurait convaincu de refuser le combat. Tout cela serait à revoir si les Russes reprenaient ces mêmes milliers de kilomètres carrés d’où ils s’étaient retirés à la hâte, comme s’ils s’étaient enfuis, débordés qu’ils étaient par l’ennemi. Si cette version des faits était la bonne, la guerre serait en train de finir. Or le président américain, le véritable commandant en chef côté ukrainien, a mis en garde son public et ses alliés contre pareille illusion. La guerre est loin d’être terminée, a-t-il tenu aussitôt à avertir. L’un de ses collaborateurs a fait montre de plus de prudence encore : le plus dur n’est pas encore arrivé, au contraire il est à venir. C’est comme si tous deux disaient que les Russes n’avaient pas encore dit leur dernier mot, qu’il leur restait encore suffisamment de ressources et de détermination pour revenir en force. N’oublions pas qu’au lendemain du retrait russe des environs de Kiev, au début de la guerre, on parlait déjà côté occidental de la défaite russe. On en parle à nouveau aujourd’hui, mais comme tout de même c’est pour la deuxième fois, forcément on tient à ne jurer de rien, mais à laisser la porte ouverte sur toutes les possibilités, y compris sur une victoire russe. Dans ce cas seulement en effet, on ne dormirait pas sur ses lauriers, on resterait d’attaque, prêt à faire face au pire s’il se montrait.