Prié à la fin de l’année dernière, à la fois par ses adversaires de l’est et de l’ouest de quitter ses fonctions, son mandat ayant de leur point de vue à tous expiré, on se souvient qu’Abdelhamid Dbeibah leur avait répondu qu’il ne cèderait la place qu’à un gouvernement dûment élu. Les élections de cette fin d’année-là n’ayant pu avoir lieu, au grand désappointement de l’ONU, qui jusqu’au bout y avait cru, à la différence des premiers concernés, il se proposait justement d’en organiser d’autres pendant ce qu’il lui restait de mandat, qui d’après lui courait jusqu’en juin de cette année. Il se trouve qu’en juin, on y est déjà, et sans que la moindre élection soit en vue. Peut-être s’en trouvera-t-il pour dire que non, que du temps il en dispose encore un peu malgré tout, qu’il peut justement mettre à profit aussi bien pour convoquer le corps électoral que pour organiser un scrutin avec l’aide de la Manul, la Mission onusienne en Libye, dont, soit dit en passant, le mandat confié par le Conseil de sécurité a pour ce qui le concerne expiré fin d’avril. Elle peut certes bénéficier d’une prolongation, mais ce n’est pas encore fait. D’autant que si le gouvernement Dbeibah est contesté à l’intérieur, il ne l’est pas à l’extérieur, où il est même reconnu, et sinon par tous du moins par un certain nombre de pays dont l’opinion compte, comme c’est le cas de l’Algérie.
On ne sait trop en revanche sur quels sentiments sont à son endroit les autres pays voisins de la Libye, la Tunisie et l’Egypte tout particulièrement ; s’ils le préfèrent à son rival, le gouvernement nomade de Fathi Bashagha, pourtant reconnu à la fois par le Parlement basé à Tobrouk, et le haut Conseil d’Etat établi à Tripoli. L’une des raisons qui font que les divisions libyennes s’éternisent, c’est le désintérêt de la communauté internationale, pour laquelle les urgences sont ailleurs. Déjà qu’avant la guerre en Ukraine, elle ne s’en souciait guère. Ce n’est pas maintenant que cette guerre polarise toute son attention, pour les périls qu’elle comporte, si bien qu’elle n’a plus de temps à consacrer y compris à des crises bien plus intenses que la crise libyenne, qu’elle va se rebrancher sur cette dernière. C’est en vain que les Libyens attendront d’elle une impulsion à même de les faire converger vers une solution à leurs problèmes internes. Un pays à ce point divisé qu’il n’a plus d’Etat, mais qui malgré cela est pour l’essentiel en paix avec lui-même n’intéresse déjà pas grand-monde en temps ordinaire. Le fait est que si les Libyens ne s’entendent pas sur la voie à prendre pour sortir de leur crise, ils ne se font pas la guerre pour autant. Ils ne s’entendent sur rien, soit. N’empêche, ils respectent le cessez-le-feu sur lequel ils sont tombés d’accord en octobre 2020. Un exploit pour des factions que tout sépare par ailleurs. Les Libyens se montrent incapables d’aller à des élections qui mettraient une bonne fois pour toutes fin à leurs différends, mais ils sont suffisamment responsables pour ne pas briser le cessez-le-feu. Or qui peut le plus peut le moins. Une crise dont les protagonistes ne veulent plus recourir aux armes est à moitié réglée. Il ne semble pas que ce soit vrai en Libye. Dans ce pays, si les armes se sont tues, ce n’est apparemment pas pour donner toute sa chance à la négociation.