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lundi 27 mars 2023

En Irak, le «Courant» et le «Cadre» à peu de distance l’un de l’autre

Au lendemain de l’invasion en 2003 par l’armée américaine, l’Irak s’était trouvé divisé en trois grandes communautés principales : les chiites, les sunnites et les Kurdes. Avec le temps, ils se sont divisés davantage, comptant maintenant quatre blocs, ou quatre mouvances si on est optimiste et qu’on croit à une possible recomposition. C’est que les chiites qui sont majoritaires et qui au départ étaient unis n’ont eu de cesse de se scinder en deux factions aussi inconciliables l’une avec l’autre, sinon plus que tous ensemble avec les sunnites. Il y a maintenant dans leur masse d’un côté les sadristes, qui sont réfractaires à l’influence iranienne, mais sans en faire état à tout propos, et de l’autre leurs adversaires, qui eux en revanche sont pro-iraniens, encore que ce soit de façon discrète et sûrement à des degrés divers, si bien qu’il y a là aussi matière à de possibles séparations. Les sadristes occupent les abords du Parlement depuis maintenant trois semaines. Ils avaient commencé par l’investir, sans lui faire la moindre injure, il faut le dire, en militants disciplinés et pacifiques qu’ils se montrent en général.

Leurs adversaires regroupés sous la bannière Cadre de coordination, pour ne pas être en reste, se sont résolus finalement à démontrer leur propre force, mais en prenant la précaution de se rassembler à bonne distance d’eux, pour preuve de leur pacifisme, même s’ils sont présents tous dans le même quartier de Baghdad, dit la Zone verte. La langue arabe permet de les désigner par une sorte de calembour, impossible à rendre en français : Courant (al-Tiyar) pour sadristes et Cadre (al-Itar) pour les autres. Courant et Cadre ont déclaré leurs mobilisations illimitées dans le temps. Elles dureront aussi longtemps que leurs revendications, qui bien entendu sont contradictoires, ne seront pas satisfaites. Le Courant veut la dissolution du Parlement, duquel ses représentants s’étaient retirés de leur propre initiative, et la tenue de nouvelles élections législatives. Le Cadre exige quant à lui la reprise des travaux du Parlement, la nomination d’un nouveau Premier ministre de son choix, mais que le Courant récuse de tous ses forces. Ainsi parlent d’eux-mêmes les Irakiens, suivis en cela par les médias arabes. Les Kurdes, ou plus exactement, l’un de leurs deux partis, dit ne pas voir d’inconvénient à ce que de nouvelles élections soient organisées, pour peu que tout le monde s’engage à en respecter les résultats. A quoi servirait-il en effet de faire émerger une nouvelle Assemblée si elle est condamnée par avance à subir le même sort que l’actuelle, élue il y a encore moins d’une année ? Les sunnites ne disent rien quant à eux, ils observent, tout en se réjouissant peut-être dans leur tréfonds du spectacle de division offert par les chiites. Mais s’ils avaient à choisir entre deux maux, sans doute choisiraient-ils le moindre, c’est-à-dire de leur point de vue les chiites non assujettis à Téhéran, les sadristes, alias le Courant, auquel d’ailleurs il leur est déjà arrivé de s’allier. Le problème, c’est qu’ils n’ont même plus à choisir, l’Irak n’étant plus gouvernable en l’état actuel de sa classe politique et du rapport de force existant entre ses composantes. La seule chose que cette classe puisse faire, c’est préserver la paix civile, empêcher une nouvelle effusion de sang, serait-ce au prix de l’immobilisme. Elle ne serait pas complètement inutile si elle y parvenait dans le présent et les prochaines années.

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