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jeudi 25 avril 2024

En France un point de non-retour est-il atteint ?

Mercredi dernier il s’est passé à Paris un événement singulier qui dans le contexte de crise anesthésiante actuelle est passé pour ainsi dire comme une lettre à la poste. En temps normal, il ne serait jamais produit, ou si malgré tout c’était le cas, il aurait donné lieu dans l’immédiat à des bouleversements majeurs. Il y aurait eu immanquablement un avant et un après. Cet événement n’est autre que la manifestation à l’appel des syndicats policiers laquelle a drainé des dizaines de milliers de personnes venant des horizons les plus divers, et dont l’objet était la dénonciation du laxisme de la justice française. Dans quel pays verrait-on une partie du gouvernement manifester contre une autre partie de ce même gouvernement, sinon dans un pays en pleine crise ? En effet, parmi les manifestants contre le laxisme supposé de la justice, disposition présentée comme la cause principale de la montée de l’insécurité en France, il y avait le ministre de l’Intérieur, tandis que celui de la Justice répondait devant les députés aux critiques dont son département était la cible sur la place publique. Rarement un pays aura donné un spectacle aussi évident de sa schizophrénie.

Sinon de sa division politique, car à la manifestation en question prenaient part les formations politiques les plus importantes, à l’exception de la France Insoumise, le parti dirigé par Jean-Luc Mélenchon. Pour la première fois depuis des temps autant dire immémoriaux, les communistes ont marché aux côtés des représentants de l’extrême droite. On ne connaît pas d’exemple où ces deux familles politiques se soient jamais retrouvées sur la même revendication. Elles ont manifesté côte à côté mercredi dernier à Paris, dans une foule comprenant d’ailleurs tout le spectre politique français. Ainsi donc, un gouvernement divisé sur une question depuis maintenant plusieurs années au centre du débat politique, mais en revanche une classe politique unie pour dénoncer le laxisme des juges face aux fauteurs d’insécurité. Dans les analyses sur la montée de l’extrême droite en général, ce que d’aucuns appellent le procès de fascisation, une question est cruciale, c’est celle du point de non-retour, ou de l’irréversibilité de l’évolution menant au pouvoir de ce courant politique. A quel moment peut-on considérer que la fascisation, qui naturellement passe par plusieurs étapes, est arrivée à maturité, ce qui correspond à la phase finale où ses représentants attitrés en viennent à envisager sérieusement la prise du pouvoir ? Non seulement les Insoumis français se posent cette question suite à la manifestation de mercredi, mais il est clair qu’ils y répondent en désignant le scandale qu’elle représente pour eux comme un point charnière dont va dépendre pour l’essentiel la suite des événements. Dans la conférence de presse qu’ils ont animée à sa suite, leur dirigeant tout le premier, ils n’ont cessé de sonner le tocsin, d’alerter leurs compatriotes d’un danger imminent. Une parole prononcée par un syndicaliste policier a particulièrement retenu leur attention, laquelle en effet résume à la perfection l’état d’esprit dominant en France. Le problème de la police, a-t-il clamé haut et fort, c’est la justice. La réalité c’est que dans la bouche d’un policier, cette affirmation est aujourd’hui en France des plus banales. Si elle a pu néanmoins paraître inacceptable à certains, ce n’est pas par elle-même, mais dans le fait qu’elle ait pu être proférée sans que les rangs de la foule à laquelle elle était adressée ne se rompent aussitôt.

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