La tragédie qui s’est produite à Tanger au Maroc, où 28 ouvriers ont péri dans un atelier clandestin de textile, pourrait arriver à plus de 2,4 millions d’autres travailleurs marocains exerçant dans les mêmes conditions déplorables, selon des médias marocains.
Par Moncef Gh.
Le secteur informel représente 20 % du Produit intérieur brut du pays, selon des médias qui se réfèrent à un précédent rapport de la Confédération générale des entreprises du Maroc (CGEM).
«Au moins 2,4 millions de Marocains travaillent dans des conditions désastreuses, sans sécurité sociale, sans assurance médicale, sans plan de retraite et sans aucune protection juridique», selon la source.
«L’industrie textile représente à elle seule 54 % du secteur informel du Maroc. Cela signifie que plus d’un million de travailleurs du textile dans le pays, dont la plupart des femmes, pourraient travailler dans des ateliers clandestins ne répondant pas aux normes», ajoute la source.
Peu de temps après le décès des 28 ouvriers, des femmes pour la plupart, les autorités locales de Tanger ont affirmé qu’elles n’étaient pas au courant de l’existence de l’atelier textile souterrain.
Pour tenter d’échapper rapidement à toute responsabilité, les autorités officielles ont qualifié l’unité de production industrielle de «secrète» et «clandestine».
Les habitants résidant à proximité de l’atelier de misère ont toutefois affirmé que «l’unité de production illégale fonctionne depuis plus de vingt ans».
Bien qu’il n’y ait pas d’études précises sur le nombre de ces ateliers clandestins au Maroc, il est estimé à des milliers, d’après les médias locaux.
«Ce n’est pas le premier incident. Des unités illégales opèrent dans tout le pays. Elles sont à Rabat, Casablanca, Fès et dans d’autres régions», a déclaré le secrétaire général de l’Union démocratique du travail (ODT), Ali Lotfi, cité par des médias.
Le défenseur des droits des travailleurs considère les employeurs qui embauchent illégalement des travailleurs comme des «trafiquants d’êtres humains» qui profitent du désespoir des Marocains pour trouver un emploi.
Outre le manque de sécurité dans les ateliers illégaux, les travailleurs informels marocains souffrent d’une surexploitation et d’une rémunération inférieure aux normes.
Un rapport de 2016 du journal espagnol «Economia Digital» fait la lumière sur les conditions de travail dans les ateliers marocains de la multinationale espagnole Inditex. L’entreprise est le plus grand groupe de mode au monde.
Selon ses rapports financiers, cités dans le rapport d’«Economia Digital», Inditex compte environ 250 usines au Maroc, notamment à Casablanca et à Tanger.
«Economia Digital» a révélé que les travailleurs des ateliers Inditex reçoivent «une bouchée de pain comme salaire». En 2020, leur salaire est de (296 $). Les directeurs des ateliers, quant à eux, peuvent toucher un salaire mensuel de 2 304 € (2 794 $) près de dix fois le salaire de leurs ouvriers.
Etant donné que la publication espagnole n’a visité que certains des ateliers juridiques, la situation serait bien pire dans les unités de production illégales.
Une enquête plus ancienne menée par «El Mundo» en 2012 a révélé que les travailleurs des ateliers clandestins du textile marocain travaillent en moyenne de 55 à 65 heures par semaine, 11 à 21 heures de plus que la limite légale. Les salaires mensuels, quant à eux, sont inférieurs au salaire minimum légal et ne dépassent pas 200 € (242 dollars), a rapporté le journal espagnol.
Le Fonds monétaire international estime le secteur informel au Maroc à environ 34 %, ce qui est un taux élevé par rapport aux pays de l’Ocde (Organisation de coopération et de développement économiques) à 17,2 % et aux pays de la région Moyen-Orient et Afrique du Nord à 25 %.
De son côté, l’économiste marocain Rachid Sari a déclaré que l’économie souterraine coûte au Maroc plus de 360 milliards de dirhams (40 milliards de dollars), soit 30 %, ce qui fait partie des facteurs qui font face à l’économie marocaine un dilemme économique qui se reflète clairement dans l’aspect social.
Il a souligné que ce qui s’est passé récemment à Tanger est un modèle très miniature de la situation tragique qui pourrait se produire en raison de l’économie souterraine.
Le Youtubeur Chafik Omerani entame une grève de la faim
Le Youtubeur marocain, Chafik Omerani, a entamé depuis samedi une grève de la faim après son arrestation à l’aéroport de Rabat-Salé et sa détention à la prison locale d’Oukacha, ont rapporté, mercredi, des médias.
L’avocate du Youtubeur marocain Chafik Omerani a déclaré que son client a entamé depuis son arrestation une grève de la faim. «C’est la raison pour laquelle il a marché avec difficulté lors de sa comparution mardi devant le juge d’instruction du tribunal de première instance de Casablanca», a expliqué Fatima Al Mardi à l’agence espagnole (EFE).
De son côté, le porte-parole de l’ambassade américaine à Rabat, Jerome Sherman, a confié à l’agence de presse espagnole qu’une «assistance consulaire appropriée est assurée au YouTubeur et à sa femme». «Nous prenons au sérieux notre responsabilité de servir nos citoyens à l’étranger», a-t-il ajouté. Le Youtubeur Chafik Omerani reçoit cette assistance parce qu’il a décidé d’entamer une grève de la faim depuis samedi dernier, a fait savoir la même source.
Présenté mardi au tribunal pénal de première instance de Casablanca, l’audience de Omerani a été reportée au 25 février prochain. Il est actuellement détenu à la prison locale de Ain Sebaâ (Okacha), après avoir été arrêté par la police à son arrivée à l’aéroport de Rabat-Salé en provenance des Etats-Unis via une escale à Bruxelles et transféré.
Surnommé «3robi F Merican», Chafik Omerani s’est fait connaître pour ses vidéos sur YouTube, où il critiquait la politique de son pays. Il avait assuré, samedi à partir de l’aéroport de Charleroi à Bruxelles, qu’il avait reçu des menaces s’il mettait les pieds dans son pays et il a tenu l’Etat marocain responsable de ce qui pourrait lui arriver.
En décembre dernier, trois institutions marocaines de sécurité et d’espionnage ont déposé une plainte auprès du parquet pour poursuive en justice des citoyens marocains vivant à
l’étranger pour des chefs d’inculpation liés à «l’outrage et à la diffamation de fonctionnaires marocains».
Aucune précision n’a alors été donnée sur l’identité des personnes concernées par ces plaintes, qui peuvent concerner des opposants très actifs sur les réseaux sociaux et résidant dans différents pays d’Europe et d’Amérique du Nord.
M. Gh.