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jeudi 18 avril 2024

Droits

Si Recep Tayyip Erdogan aime jouer les donneurs de leçons et ne cesse notamment de faire la morale à l’Europe, c’est bien son régime qui depuis une dizaine d’années ne cesse de contrevenir aux principes défendus par l’UE, à laquelle il aspire toujours à faire adhérer son pays. La Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) a ainsi sévèrement condamné, hier, la Turquie pour la détention du célèbre journaliste et écrivain turc Ahmet Altan, poursuivi pour son implication présumée dans le putsch manqué de 2016. «Rien ne démontre que les actions du requérant se soient inscrites dans un plan destiné à renverser le gouvernement turc», soulignent les magistrats européens qui siègent à Strasbourg. Ceux-ci constatent la violation de dispositions de la Convention européenne des droits de l’Homme relatives à la liberté d’expression, au «droit à la liberté et à la sûreté» et à celui «de faire statuer à bref délai par un tribunal sur la légalité de la détention». Dans un arrêt distinct, la CEDH a également condamné Ankara pour la détention de Murat Aksoy, un journaliste d’opposition incarcéré quelques semaines après la tentative de putsch du 15 juillet 2016. «Il n’y avait pas de raisons plausibles de soupçonner Murat Aksoy d’avoir commis une infraction pénale», estime la CEDH. Arrêté une première fois en septembre 2016, Ahmet Altan, 71 ans, avait été condamné à la prison à vie en février 2018 pour «tentative de renversement de l’ordre constitutionnel», jugement annulé par la Cour de cassation turque, rappelle la CEDH. Rejugé, il avait été condamné en novembre 2019 à 10 ans et demi de prison pour «complicité avec un groupe terroriste». La justice turque lui reproche d’être en lien avec le mouvement du prédicateur islamique Fethullah Gülen, qu’Ankara accuse d’avoir ourdi la tentative de coup d’État de juillet 2016, ce qu’il nie. Ahmet Altan, qui a fondé le journal d’opposition «Taraf», s’est notamment fait connaître en dehors de la Turquie par son récit de sa vie en prison. Son livre «Je ne reverrai plus le monde» a paru en France aux éditions Actes Sud. Intellectuel respecté dans son pays, il a toujours formellement nié son implication dans la tentative de coup d’État, rejetant des accusations «grotesques». Il était notamment accusé d’avoir envoyé des «messages subliminaux» lors d’une émission retransmise en direct sur une chaîne pro-Gülen à la veille du putsch manqué, un élément qui a ensuite disparu de l’acte d’accusation. Ces décisions interviennent quelque mois après une visite controversée, en septembre 2020, du président italo-islandais de la CEDH, Roberto Spano, en Turquie, au cours de laquelle il avait été fait docteur honoris causa par l’Université d’Istanbul. Cette distinction avait suscité de vives critiques dans les milieux intellectuels turcs, alors que des milliers d’entre eux ont été frappés par la répression de la tentative de coup d’État de 2016. Mehmet Altan, le frère de Ahmet Altan, s’était ainsi demandé dans une lettre ouverte à Roberto Spano «à quel point il est réjouissant de devenir un membre honoraire d’une institution qui a condamné des centaines d’universitaires au chômage et à la pauvreté en les virant de manière injuste». Lui-même écrivain et universitaire, Mehmet Altan avait été accusé comme son frère d’être impliqué dans la tentative de coup d’État et a été emprisonné pendant près de deux ans sans jamais retrouver son poste à l’université, en dépit de son acquittement. Le régime turc sous la coupe d’Erdogan continue ainsi de terroriser tous ceux qui ne le soutiennent pas et n’hésite pas à user de méthodes d’autres temps, bien éloignées des principes que l’UE met à son centre, prouvant une fois encore aux opposants à l’adhésion de la Turquie à l’Union européenne que pour le moins Ankara ne sera pas compatible avec leurs valeurs tant qu’Erdogan tirera encore les ficelles.

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