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vendredi 19 avril 2024

Double déni de réalité

Aussi étrange que cela puisse paraître, les Etats-Unis et leurs alliés, les Européens d’entre eux en particulier, ne se sont toujours pas faits à l’idée que la Russie a envahi l’Ukraine et que cela est irréversible, quoi qu’il puisse en résulter à plus ou moins long terme. Ce n’est pas bien sûr qu’ils nient le fait en lui-même, ce qui serait pure folie de leur part, mais ils en sont encore à croire que le cours des événements depuis le 24 février est à même de s’inverser, qu’il est possible de faire repasser aux forces russes les frontières ukrainiennes, franchies par elles il y a maintenant trois semaines. Ils n’ont pas encore fait complètement leur deuil du passé, qui, il est vrai, est encore récent. Ils pensent avoir fait le nécessaire pour cela : avoir imposé des sanctions économiques et financières extrêmes, sûrement les pires qui aient frappé un pays, avoir apporté une abondante aide militaire à l’armée ukrainienne, qui déjà par elle-même oppose une farouche résistance à l’envahisseur russe. L’isolement économique drastique de la Russie conjugué à la combativité ukrainienne devrait finir par obtenir l’effet recherché : la retraite des forces russes et l’arrêt des hostilités, le retour au statu quo ante.

Nul besoin de faire plus pour y parvenir, comme le réclament fortement les autorités ukrainiennes, pour qui ils n’en font pas assez, et prendre du même coup le risque d’une guerre généralisée, ouvrant la voie à une confrontation nucléaire avec la Russie, dont peut-être personne n’échapperait. Cette stratégie est d’autant plus efficace que la Chine s’y tient elle-même, étant le seul pays au monde à pouvoir éventuellement aider la Russie à résister aux sanctions. Justement, le positionnement de la Chine aux côtés de la Russie, exprimé pourtant en des termes éloquents dès le début de la guerre, est l’autre déni de la réalité de la part des Occidentaux dans la conjoncture actuelle. Ils ont bien vu que la Chine prend fait et cause pour la Russie, tout en revendiquant la neutralité, probablement du fait de ses bonnes relations avec l’Ukraine, mais aussi parce que le véritable ennemi de la Russie, ce n’est pas l’Ukraine, mais l’Otan, qui progresse vers ses frontières depuis maintenant des décennies, et qui nourrit le projet de faire, sous une forme différente, la même chose en sa direction. Ils ont bien vu que la Chine a pris une position différente de la leur, mais on ne sait trop comment, ils ont fini par se persuader qu’il est possible de lui faire changer de ligne, de la faire se retourner contre la Russie. La mission consistant à bien lui faire mesurer les conséquences de son aide matérielle à la Russie, s’ajoutant à son soutien politique déguisé en neutralité, a été confiée côté américain à Jake Sullivan, le conseiller à la sécurité nationale, qui avant-hier a passé sept heures à discuter à Rome avec Yang Jiechi, un diplomate chinois de haut rang, mais selon toute vraisemblance sans résultat concret. Les Chinois ont nié à cette occasion, comme ils l’avaient déjà fait, non pas qu’ils fournissent déjà une aide à la Chine, ou qu’ils aient l’intention de le faire plus tard, mais que les Russes leur aient seulement fait une demande en ce sens. Une réponse en accord parfait avec le démenti des Russes portant sur le même sujet. Une harmonie des attitudes qui bien sûr n’est pas pour convaincre les Américains, ni non plus pour les rassurer.

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