La nouvelle est tombée tôt ce vendredi comme un couperet, mais comme un couperet qui en réalité n’a encore rien tranché. Ni le sort de la présidentielle du 3 novembre, ni le sort personnel du président américain, dont les chances de s’en tirer à bon compte sont au moins aussi grandes que celles du commun des mortels, c’est-à-dire très élevées. Très grandes, soit, mais pas garanties, d’autant moins qu’il présente deux des fragilités dont le coronavirus se sert pour abattre ceux dont il se saisit : l’âge, le sien étant de 74 ans, et le surpoids. Il en faudrait peut-être plus pour venir à bout de ce diable d’homme. Il n’en reste pas moins que pour lui la campagne électorale est terminée, l’épidémie l’ayant atteint à un mois exactement du jour « j ». Même en supposant qu’il s’en sorte sans égratignure, pour ainsi dire, il serait quand même forcé de rester inactif un bout de temps. On se souvient de Boris Johnson, qui n’avait pas repris ses fonctions de Premier ministre dès sa sortie de l’hôpital. Il n’y a aucune raison de penser qu’il en soit autrement avec Trump, sous prétexte de la proximité d’une échéance capitale le concernant en propre. Ceci dans le cas où tout se passe bien pour lui. Mais qu’en serait-il si au contraire sa santé se détériorait ? Il ne semble pas que la loi américaine prévoit quelque chose dans cette hypothèse. A moins qu’il ne décède avant l’élection, il reste candidat à celle-ci. Il peut même l’emporter. Et puis ensuite décéder ou seulement démissionner. Ce sera alors à Mike Pence, le vice-président, de prendre sa place à la Maison-Blanche, avec la même légitimité que si c’était lui en personne qui avait été élu. On peut être sûr que Mike Pence sera entouré à partir de maintenant de mesures de protection plus strictes encore que celles dont bénéficiait Trump. Au moment où ces lignes sont écrites, il n’est pas encore question de ce scénario. Mais c’est que l’Amérique est encore sous le choc. Dans moins d’une semaine, et à plus forte raison si le sentiment prévaut que la santé de Trump est en train d’accuser le coup, il ne sera question que de cela. Ce serait en effet la première fois dans l’histoire des Etats-Unis, et probablement même dans l’histoire tout court, où voter pour l’un des deux candidats, en l’occurrence Trump, c’est en fait voter pour son second, c’est-à-dire pour Pence. Et si malgré son incapacité physique, c’est lui Trump qui est élu, alors c’est Pence qui l’a été. Pence a été choisi au poste qui est le sien parce qu’il est le représentant de l’aile la plus conservatrice dans la masse des électeurs de Trump en 2016. Mieux, la garantie vivante qu’ils ne seront pas trahis. Pour cette partie au moins de l’électorat républicain, cela ne change rien qu’on leur donne un nouveau candidat. Ils pourraient même estimer avoir gagné au change, vu que Pence est bien plus l’un des leurs que Trump. Quoi qu’il en soit à cet égard, l’élection n’est pas encore tranchée. Trump ne l’a pas perdue parce qu’il a attrapé le virus. Et Biden ne l’a pas encore gagnée parce que son rival est en quarantaine. Il peut encore la perdre.