La présidentielle de novembre 2024 est sans précédent aux Etats-Unis car pour la deuxième fois consécutive deux candidats vont s’affronter pour la remporter : d’un côté le président sortant Joe Biden, représentant des démocrates, et de l’autre, Donald Trump, représentant des républicains. Certes, il est déjà arrivé dans l’histoire des Etats-Unis, encore que ce ne soit jamais qu’une seule fois, que deux candidats se retrouvent dans la course à la Maison-Blanche, mais jamais lors de la présidentielle ayant immédiatement suivi. Cela dit, la situation des deux hommes n’est pas la même. Même en l’absence de Trump, Biden serait fondé à se représenter, ayant été le vainqueur de l’échéance précédente en plus de n’avoir bénéficié que d’un seul mandat, la tradition lui faisant pour ainsi dire obligation d’en briguer un deuxième. N’empêche, il n’est pas évident qu’il se serait représenté en l’absence de Trump, d’une part parce qu’il avait annoncé lors de la campagne précédente qu’il ne le ferait pas, et de l’autre parce qu’étant donné son âge, qui déjà le plaçait à part parmi ses pairs, il serait forcé malgré lui de prendre sa retraite.
Avrai dire, on ne saurait peut-être jamais ce qu’il aurait fait dans cette hypothèse, puisque c’est l’exact opposé qui en définitive est advenu. Il n’en reste pas moins qu’il lui aurait été plus difficile de se représenter sans Trump pour rival. D’une certaine façon, ils font la paire, mais davantage en raison de la volonté de Trump de prendre sa revanche que de celle de Biden de rester président pendant quatre autres années, ce qu’aurait recherché n’importe qui d’autre à sa place. Que les deux hommes s’affrontent à nouveau s’explique donc en premier lieu par la détermination de Trump de prouver que c’était en réalité lui qui avait été élu en 2020, et que seule la fraude massive commise à son encontre en avait décidé autrement. Si d’aventure il était élu en 2024, ce n’est pas une victoire qu’il se verrait en droit de proclamer mais deux, l’autre datant de 2020, dont il a toujours pensé qu’elle lui avait été volée. Pour ce qui les concerne, les démocrates ne peuvent pas perdre la prochaine présidentielle sans se voir contester plus vigoureusement que jamais, et surtout avec plus de vraisemblance, la victoire lors de la précédente. Ainsi donc, pour la première fois dans l’histoire des Etats-Unis, une élection présidentielle comporte un double enjeu. En novembre 2024, les Américains savent déjà qu’ils ne feront pas qu’élire un candidat pour diriger le pays pour les quatre prochaines années mais qu’également ils répondront à la question de savoir qui réellement avait été élu en 2020, de Biden et de Trump. Si c’est Trump qui gagne en 2024, cela voudra dire que c’est lui qui avait gagné en 2020, et que donc il avait eu raison de dénoncer la fraude qui avait faussé le résultat. Et si c’est Biden qui à nouveau sort vainqueur, cela réduira à néant toute allégation de fraude en 2020. On comprend mieux dès lors pourquoi les mêmes candidats de 2020 se refont face quatre années plus tard, comme si le temps s’était arrêté, et en dépit de leurs âges à tous deux, une circonstance qui normalement aurait dû les en empêcher. Pour autant, ce ne sont pas eux qui ont fait que l’élection à venir soit une répétition de la précédente, ce qui n’est jamais arrivé, mais la polarisation politique extrême qui prévaut depuis plusieurs années aux Etats-Unis. Sans elle, ni l’un ni l’autre ne serait aujourd’hui candidat : Biden parce qu’il est trop vieux et qu’il avait promis qu’il ne se représenterait pas, et Trump parce qu’il avait déjà perdu, et qu’aux Etats-Unis un perdant s’efface de la scène.