Au plan mondial, la seule bonne nouvelle sur le front de l’épidémie, celui dont dépend quasiment l’avenir du monde, c’est que les vaccins mis au point pour contrer la propagation du virus sont encore valables. Ils n’ont pas été déclassés par l’une ou l’autre de ses mutations, s’agissant du moins de celles qu’il a connues jusqu’à présent. Ils continuent de remplir l’objet pour lequel ils ont été conçus autrement dit. A vrai dire, cette affirmation n’a été formulée explicitement que pour les vaccins à ARM messager, Pfizer-BioNtech et Moderna, les seuls qui soient aujourd’hui administrés en Occident, en attendant l’arrivée du vaccin britannique AstraZeneca de formule plus classique quant à lui. Pour ce qui est des autres vaccins en cours d’utilisation ailleurs dans le monde, le chinois, le russe, le cubain, par exemple, on en est réduit à supposer que les mutants britannique, sud-africain et brésilien, ne les ont pas désarmés eux non plus. Avant-hier Boris Johnson n’a eu que de mauvaises nouvelles à annoncer aux Britanniques, sauf une, qui était justement que les vaccins n’étaient pas frappés d’obsolescence. Il n’aurait évidemment pas fait ce genre de remarque si leur efficacité allait de soi, et s’il ne lui avait pas paru important de rassurer ses concitoyens à ce propos. N’empêche, beaucoup de ces derniers ont dû entendre non pas tant l’affirmation elle-même que le bémol implicite qu’elle suggère, et qui lui est moins rassurant.
En effet, dire de quelque chose qu’elle est encore valable, c’est du même coup laisser entendre qu’il n’est pas exclu qu’elle cesse de l’être à plus ou moins longue échéance. Quasi simultanément le nouveau président américain n’a pas caché à ses compatriotes que les Etats-Unis allaient déplorer 600 000 décès pour fait de Covid-19 dans les semaines à venir, à la suite de quoi les chiffres commenceraient à s’améliorer. Joe Biden lui aussi a commencé par dévoiler la mauvaise nouvelle pour ensuite passer à la bonne. On aura relevé que les deux hommes ont recouru ce faisant à un style résolument churchillien. Ou garibaldien, Winston Churchill n’ayant pas été après tout le premier à mobiliser son camp en faisant fonds sur le parler vrai, mais bien le célèbre révolutionnaire italien. Comme la situation sur le front de l’épidémie n’est reluisante nulle part en Occident, il ne serait pas étonnant que d’autres dirigeants de cette partie du monde en viennent à leur tour à tenir à leurs publics respectifs le même langage héroïque. Il n’y est question en effet que de chiffres qui explosent et de reconfinement à rétablir ou à durcir, et toujours pour éviter le cauchemar absolu de devoir trier les malades pour soulager les hôpitaux. Des pays qui comme l’Allemagne s’en sont bien tirés dans un premier temps donnent aujourd’hui le sentiment d’être submergés par l’épidémie. Dans le nombre des mauvaises nouvelles que le Premier ministre britannique s’est fait un devoir d’annoncer, il y en avait une qui effectivement était de nature à donner froid dans le dos : le mutant britannique était non seulement plus contagieux, mais il était plus mortel. Ce que l’on soupçonnait déjà, tout en minimisant la chose. On se disait qu’un virus déjà mortel qui devenait plus contagieux provoquerait nécessairement plus de morts en bout de chaîne, sans être en soi plus mortel pour autant. Telle n’était pas la mauvaise nouvelle précise qu’avait à dire Boris Johnson. Celle dont il était porteur était que le mutant était non seulement plus rapide mais plus mortel. Nous voilà avertis : il tuera doublement, et par sa vitesse et par sa toxicité intrinsèque.