Le thon rouge a envahi le marché algérien du poisson frais et s’est même répandu dans nos rues. Malheureusement, la commercialisation de ce poisson très sensible, nécessitant certaines conditions d’hygiène, s’est clochardisée à cause du non-respect de la chaîne du froid. Pis encore, il est souvent vendu sur la voie publique, exposé durant des heures au soleil.
Par Thinhinene Khouchi
Les commerçants de thon rouge squattent les trottoirs de la capitale. En effet, depuis maintenant presque un mois, plusieurs commerçants ont décidé de planter leurs parasols sur le bitume, formant des étals de fortune pour la vente du thon rouge qu’ils exposent aux poussières et aux gaz des moteurs de véhicules. Pis encore, cette viande est coupée avec des sabres, des haches… des outils dont la lame est souvent rouillée. Ce décor choque l’œil, mais les consommateurs sont nombreux à acheter. Pour Malek, jeune commerçant rencontré à Bainem et proposant du thon rouge à 1 000 DA le kilo, «on l’achète entre 600 et 750 DA le kilo, selon l’abondance des quantités pêchées au marché de gros et on le revend entre 1 000 et 1 200 DA le kilo». «C’est une occasion pour nos consommateurs de garnir leurs tables et consommer du poisson frais à des prix raisonnables», ajoute notre interlocuteur. Contrairement à l’avis des commerçants, les automobilistes qui s’arrêtent pour acheter ainsi que les piétons nous confient que «même à 1 000 DA le kilo, ça reste cher mais c’est mieux qu’avant. Il était proposé à 1 800 DA», nous dira Sofiane, un père de famille venu en racheter. «J’ai en déjà acheté et je viens en reprendre. C’est une occasion pour mes enfants et moi-même de déguster les produits maritimes, notamment le thon rouge qui est source de vitamine D, il est aussi riche en protéines et en vitamine B12», nous explique notre interlocuteur qui précise, néanmoins, qu’il faut acheter du poisson uniquement durant la matinée, parce que celui proposé à ciel ouvert est «exposé des heures au soleil, et devient ainsi dangereux pour notre santé parce que la chaîne du froid n’est pas respectée». Ce constat a été fait aussi par le président du Syndicat national des marins-pêcheurs, Hocine Bellout, qui assure que la production est disponible, mais il s’élève contre la «clochardisation» de la commercialisation de ce poisson. Il fustige ainsi le non-respect de la chaîne du froid et des conditions d’hygiène sur les lieux de vente. «La commercialisation du thon rouge est très sensible et nécessite de l’hygiène et le respect de la chaîne du froid. Mais nous constatons qu’il est souvent vendu sur la voie publique, exposé durant des heures au soleil», note-t-il. Concernant le recul des prix de ce poisson robuste, le directeur de la pêche et des ressources halieutiques de la wilaya de Boumerdès, Hamza Habach, a attribué ce recul «à l’abondance des thonidés dans la Méditerranée durant cette période». Habach a tenu à préciser qu’il s’agit de pêche accidentelle de thon mort. Selon ses explications, ce poisson dont la taille dépasse souvent les 80 centimètres, est capturé en dehors du quota octroyé à l’Algérie par la Commission internationale pour la conservation des thonidés de l’Atlantique (ICCAT) pour la pêche du thon rouge vivant (destiné exclusivement à l’exportation). Comme l’explique ce responsable, les captures accidentelles (non ciblées) du thon mort sont généralement réalisées par des marins qui disposent de bateaux (spadonniers) de plus de 14 mètres, lors du passage de ce poisson migrateur par la Méditerranée entre la fin du moins d’avril et le début du mois de juin. «Les pêcheurs d’espadon capturent ainsi le thon mort retrouvé sur leur passage durant cette courte période», a-t-il encore précisé. Selon un responsable du ministère de la Pêche, l’Algérie entend augmenter sa part de pêche au thon mort. Outre son quota de pêche de thon vivant, destiné exclusivement au marché extérieur et fixé par l’ICCAT à 1 650 tonnes pour cette campagne (qui a démarré le 26 mai et qui devrait se poursuivra jusqu’au 1er juillet), l’Algérie compte demander une augmentation de son quota de pêche de thon mort auprès de cette instance, a expliqué la même source. «Notre objectif est de multiplier la valeur ajoutée de ce poisson à grande valeur marchande, notamment à travers la création d’une industrie de transformation et de conservation, ce qui permettra au citoyen de l’avoir toute l’année sur leur table», a-t-il ajouté.
T. K.