On savait depuis 2017 en Irak, depuis 2019 en Syrie, que si Daech n’a pas entièrement disparu ni dans l’un ni dans l’autre pays, du moins y avait-il subi des défaites à ce point sévères qu’il lui faudrait du temps avant de pouvoir s’en relever, si tant est que persistent les causes ayant conduit à sa naissance puis à sa montée en puissance. Les combats de rue qu’un nombre indéterminé de ses membres livrent en ce moment même dans la ville de Hassaké au nord-est de la Syrie (une région contrôlée par les Forces démocratiques syriennes à dominance kurde, avec l’appui de la coalition internationale emmenée par les Etats-Unis, qui y conservent des soldats) ne plaident pas en ce sens, il s’en faut. Comme à leurs heures de gloire, ils ont surgi de nulle part, tout près de leur cible, rien n’ayant pu les voir venir, dans un pays pourtant placé sous haute surveillance par les grandes puissances. Si forcément ils se sont mis en chemin de quelque part, probablement d’Irak, où presque simultanément un autre de leurs groupes s’est attaqué à un convoi de l’armée irakienne, faisant plusieurs morts, le fait est que les forces kurdes ne se sont aperçues de leur présence que lorsque sous couvert de la nuit, ils ont lancé jeudi dernier l’assaut sur la prison de Ghwaryan pour en libérer les milliers des leurs qui s’y trouvaient.
On les estime à plus de 3 000 dans cette seule prison. Ils seraient plus de
12 000 dans ce qui tient lieu de prisons, la plupart étant en fait d’anciennes écoles, dans cette partie de la Syrie aux mains des Kurdes. Parmi eux, beaucoup d’étrangers, dont des Européens, abandonnés à leur sort par leurs Etats respectifs. Finalement, le seul à se soucier d’eux, c’est Daech, ce sont leurs frères d’armes, venus les libérer tout en sachant que nombre d’entre eux y laisseront leur peau. En effet, passé l’effet de surprise, les Forces démocratiques syriennes se sont ressaisies, déployant la même combativité qui avait fait leur réputation, et qui, certes avec l’aide des Américains notamment, leur avait permis de prendre le dessus sur ce même Daech qui quelque temps auparavant avait fait fuir l’armée irakienne. Les morts se compteraient par dizaines, à ce qu’il semble en plus grand nombre du côté des assaillants que des assaillis, mais cela est dans l’ordre des choses. Sous la couverture aérienne de la coalition internationale, celle des hélicoptères américains en particulier, les combattants kurdes se lancent en ce moment sur les maisons où se sont repliés les jihadistes, s’engageant dans des combats féroces, évocateurs de ceux d’avant leur victoire de 2019. En rase campagne, les avions de la coalition cherchent pour les éliminer ceux des jihadistes qui ont réussi à s’enfuir. Ce qui devait être la Grande Evasion menace de tourner à un jeu de massacre. Il est clair que les jihadistes qui se laisseraient rattraper ne retourneraient pas à leurs cellules. Ils seraient liquidés sur place, par leurs poursuivants terrestres quand ce n’est pas par les tirs des avions. Daech aurait-il cherché à libérer ses combattants emprisonnés s’il pouvait en recruter d’autres sans avoir pour cela à se lancer dans des opérations aussi risquées ? Telle est la question.