Près de 200 événements mettant à l’honneur les films africains ou afro-descendants ont vu le jour ces trois dernières années à travers le monde. En septembre 2019, Wilfrid Massamba, réalisateur originaire du Congo Brazzaville, inaugurait la première édition du Festival du film africain de la ville de Quibdó en Colombie.
Quand les lumières de la salle de cinéma se sont éteintes et les premières images du film d’ouverture congolais «Viva Riva !» de Djo Munga ont été projetées à l’écran, Massamba se souvient de l’émotion palpable du public : «Les spectateurs s’émerveillaient de la ressemblance de leurs quartiers et de leurs maisons avec celles du film.
C’était comme s’ils se voyaient dans un miroir, le fil invisible avec l’Afrique était maintenant rendu visible grâce au film».
En 2016, quand Wilfrid Massamba se rendait pour la première fois dans la région pour la réalisation d’un reportage, il avait ressenti lui aussi cette étrange familiarité avec les lieux, malgré les milliers de kilomètres qui le séparaient de sa terre natale.
Bien que les Afro-Colombiens représentent presque 90 % de la population totale, la ville et les médias traditionnels colombiens offrent peu d’opportunités pour découvrir les films africains ou de la diaspora, et les réseaux sociaux restent l’un des lieux uniques de diffusion de ces histoires. Dès ses premiers jours dans la ville, Massamba a rencontré les mêmes demandes de la part des habitants qui souhaitaient la création d’un événement pour voir les films et où le public pouvait se rencontrer et échanger avec les réalisateurs. Fin septembre 2020, la deuxième édition du festival aura lieu avec plus de 52 films sélectionnés, soit le double de l’année précédente et pas moins de 1 000 films envoyés pour la sélection.
Comme tout lieu de commémoration, l’ambiance festive est au rendez-vous et se décline dans les danses, les chants, la cuisine et autres lectures littéraires. À la Nouvelle-Orléans, le tout jeune Black Film Festival est tout aussi réputé pour sa sélection de films que ses soirées endiablées. Les organisateurs l’ont même inscrit dans les statuts officiels de leur mission «having a good time» (passer du bon temps). Les conversations continuent sous les rythmes de jazz et devant les stands de soul food où les communautés africaines, africaines-américaines et caribéennes échangent leurs avis sur les films et leurs souvenirs de voyages entrecoupés par les cris de ralliement spontanés «Aché».Cet intérêt pour les festivals tient en grande partie à la mobilisation des nouvelles générations qui ont développé des stratégies en ligne pour échanger les films et faire campagne pour le développement de manifestations culturelles afro. Championnes dans ces initiatives, les communautés de jeunes afro-brésiliens ont souvent collaboré pour obtenir des droits de diffusion de certains films et produire des sous-titres en portugais. En 2018, la réalisatrice noire et activiste féministe Éthel Oliveira de Rio de Janeiro avait réussi à montrer les films de la période allemande de l’essayiste et cinéaste africaine-américaine Audrey Lorde, pour la première fois sous-titrés en portugais. Les séances étaient un vrai succès et accueillaient un public majoritairement de femmes noires venues de toute la ville qui pouvaient enfin échanger «à armes égales» sur l’héritage contemporain de Lorde.
S. C.