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vendredi 2 juin 2023

Crise ukrainienne, le tournant décisif

Avec les développements simultanés que sont, premièrement la reconnaissance des deux républiques autoproclamées de Donetsk et de Lougansk, deuxièmement la signature de traités d’amitié avec elles, et troisièmement l’envoi de troupes pour les défendre au cas où elles seraient attaquées par l’Ukraine, le président russe a répondu en une seule fois à peu près à toutes les questions brûlantes que l’on pouvait se poser encore relativement à la suite des événements. Mieux, il n’était même pas besoin d’attendre que les annonces officielles en soient faites, tant a été instructif à cet égard le conseil de sécurité russe, auquel il a été possible d’assister en direct, une première non seulement dans l’histoire de la Russie mais probablement du monde. Jusqu’à cette diffusion relayée dans le monde entier, on pensait que s’il y avait une réunion pour se dérouler dans le secret en toutes circonstances, dans tous les pays et sur tous les continents, c’était bien un conseil de sécurité intérieure. Il a fallu donc que ce soit la Russie, un pays où la transparence en politique n’est pas supposée être une pratique très courante, pour nous permettre d’être présents à la prise d’une décision capitale à la fois pour elle, pour l’Europe, et pour le reste du monde.

Vladimir Poutine n’a pas seulement en l’occurrence joué cartes sur table, mais il a également tenu à justifier la décision qu’il allait prendre, dans une séquence à part, après avoir écouté les autres membres du conseil de sécurité, de sorte qu’il devient possible à tout un chacun de devancer, sinon totalement du moins jusqu’à un certain point le cours des événements futurs. L’envoi de troupes dans le Donbass les détermine dans une bonne mesure. Comme la Russie a reconnu les républiques de Donetsk et de Lougansk dans leurs limites géographiques, et non pas seulement dans leurs portions se trouvant actuellement sous le contrôle des séparatistes, la conquête des territoires échappant encore à leur contrôle semble aller de soi. Ici en effet, de deux choses l’une : ou bien Kiev laisse faire leur rattachement, ou bien il s’y oppose par tous les moyens en sa possession. Ce sera la guerre dans ce deuxième cas. Les accords de Minsk sont morts et enterrés, eux qui n’ont jamais été appliqués. La première réaction des Etats-Unis après la reconnaissance par la Russie des deux républiques autoproclamées a été pour interdire tout commerce avec elles. On se demande qui aux Etats-Unis ou ailleurs dans le monde aurait intérêt à se le tenir pour dit s’agissant de relations économiques avec un pays dont les échanges internationaux sont inexistants ou presque, en dehors de ceux qu’il peut entretenir avec la Russie. A l’heure où ces lignes sont écrites, nulle mesure de rétorsion n’a encore été prise contre cette dernière, ni par les Américains ni par aucun de leurs alliés occidentaux. Mais cela n’est pas à exclure. En fait, même les Américains qui n’arrêtaient pas d’annoncer l’attaque russe ont été au bout du compte pris au dépourvu. Ils s’attendaient à une invasion d’une envergure appréciable, non pas, dans un premier temps, à la reconnaissance d’une région pour eux russe depuis 2014, aussi russe que peut l’être la Crimée, bien qu’elle-même n’ait pas été annexée, et dans un second de l’envoi de troupes soi-disant à des fins de maintien de la paix. Occupation pour occupation, une invasion en grand de toute l’Ukraine aurait été préférable à leurs yeux, car elle aurait déclenché une réaction unanime de la part de leurs alliés. Alors que celle qui vient de se produire n’est ni assez ample ni assez meurtrière pour susciter à coup sûr plus qu’une condamnation de principe.

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