En plus de venir l’une à la suite de l’autre, les années 2020 et 2021 ont en commun de s’ouvrir sur l’événement qui probablement les résumera pour toujours. Pour 2020, ce fut l’épidémie de coronavirus, dont on sait maintenant qu’en fait elle avait commencé bien plus tôt. Et, à ce qu’il semble de plus en plus, pas même à Wuhan, si tant est que ce soit en Chine. Demain on saurait qu’en définitive, ce n’est pas de Chine qu’elle était partie que cela susciterait un étonnement plutôt mitigé. Car l’idée a eu le temps de dominer que notre ignorance du Sars-Cov2 l’emporte encore de loin sur les connaissances que nous avons pu glaner sur lui. Il n’empêche, 2020 restera au premier chef l’année de la pandémie, quand bien même celle-ci devrait continuer de se développer tout au long de 2021, et même au-delà. 2021 restera elle dans l’histoire à un autre titre. Ce sera l’année où le Capitole américain a été envahi par une foule déchaînée d’extrême droite. Dans un siècle, on oubliera peut-être la pandémie de Covid-19. On n’aura pas oublié ce qui s’est passé le 6 janvier dans la capitale de la première puissance au monde. Il s’en trouvera même pour dire que c’est en réalité ce jour-là qu’un nouveau siècle a débuté. Dans tout autre pays, un événement de cette nature aurait été interprété sur-le-champ comme une révolution. Notons d’ailleurs que les Américains pour leur part parlent d’insurrection, non pas d’émeute, de casse, ou d’envahissement, ou d’invasion, ou de violation.
Révolution et insurrection sont des mots souvent interchangeables, même si une insurrection peut ne pas déboucher sur une révolution. La question qui se pose désormais est de savoir si un coup mortel n’a pas été porté ce jour-là à l’Amérique. Si celle-ci est à même de s’en relever. On le saura vraisemblablement dans le courant de cette année. Car nécessairement après un début aussi fulgurant le fil des événements se déroulera vite. 2021, l’année où le Capitole américain a été profané par une foule en furie. Elle aurait pu être l’année où des représentants du peuple américain ont été surpris dans leur délibération et massacrés sur place. Car s’ils ne l’ont pas été, ce n’est pas parce que le FBI s’est trouvé là pour les défendre, mais parce que les policiers en faction au moment de l’attaque ont fait preuve d’un courage et d’un dévouement extraordinaires. On pense même qu’un seul d’entre eux, Eugene Goodman, a sauvé tout le Congrès américain, en réussissant à entraîner loin de la salle où il était réuni la foule des tueurs lancés à la recherche de ses membres. Il est tout simplement impossible que les Etats-Unis puissent faire comme si cela ne s’était pas passé. Aucun sénateur et aucun représentant n’a été tué, certes, mais ils doivent d’être en vie au courage personnel des policiers qui bien que débordés par la foule ont gardé leur sang-froid et conservé entier le sens du devoir. Aucune des agences du renseignement intérieur n’a vu venir le coup. Elles ont failli toutes. Mais pouvaient-elles ne pas faillir alors que l’insurrection a été provoquée par le président des Etats-Unis en personne ? En d’autres termes, savaient-elles, tout en ne pouvant rien faire pour contrer l’attaque, ou bien ne savaient-elles même pas ? Dans un cas comme dans l’autre, l’Amérique n’est plus ce qu’elle était. Elle ne sera pas la même non plus dans les deux cas, que Donald Trump soit condamné ou acquitté, encore que l’acquittement semble aller de soi. Ses accusateurs ont terminé leur réquisitoire en faisant valoir que s’il est innocenté, le traumatisme du 6 janvier se répétera. Ce qu’ils n’ont pas dit explicitement, mais qui ressort de leurs propos, c’est qu’il se répètera mais probablement sous une autre forme. Cette maladie terrible qui s’appelle la crise politique a probablement commencé aux Etats-Unis.