Un coup d’État a été perpétré hier en Birmanie par l’armée qui a arrêté la cheffe de facto du gouvernement civil, Aung San Suu Kyi, proclamé l’état d’urgence pour un an et placé ses généraux aux principaux postes.
Par Mourad M.
Ce putsch, immédiatement condamné par plusieurs capitales étrangères, est nécessaire pour préserver la «stabilité» du pays, ont fait savoir les militaires qui ont promis dans un communiqué publié sur Facebook l’organisation de nouvelles élections «libres et équitables», une fois que l’état d’urgence d’un an sera levé. Ils accusent la commission électorale de ne pas avoir remédié aux «énormes irrégularités» qui ont eu lieu, selon eux, lors des législatives de novembre, remportées massivement par la Ligue nationale pour la démocratie (LND), le parti d’Aung San Suu Kyi au pouvoir depuis les législatives de 2015. La prix Nobel de la paix, âgée de 75 ans, a été arrêtée tôt dans la matinée ainsi que le président de la République, Win Myint et d’autres responsables du parti, selon Myo Nyunt, porte-parole de la formation. Ils sont détenus à Naypyidaw, la capitale du pays, d’après lui. Alors que les rumeurs de coup d’État se renforçaient ces derniers jours, Aung San Suu Kyi avait laissé un message à la population, diffusé hier par le président de la LND sur les réseaux sociaux, dans lequel elle exhorte les Birmans à «ne pas accepter ce putsch». L’armée tente de «replonger le pays sous la dictature militaire en négligeant la pandémie de coronavirus qui frappe de plein fouet la Birmanie», a-t-elle écrit, d’après cette déclaration, demandant à la population de «réagir à l’unanimité». Le coup d’État s’est fait sans effusion de sang, l’armée se contentant de bloquer les routes autour de la capitale avec des soldats en armes et des véhicules blindés, tandis que des hélicoptères la survolaient. A Rangoun, les militaires se sont notamment emparés de l’hôtel de ville et ont fermé l’accès à l’aéroport international. Plusieurs camions ont traversé à grande vitesse les rues, des partisans de l’armée agitant à leur bord des drapeaux et chantant des hymnes nationalistes, selon des journalistes de l’AFP. Les télécommunications, portables et internet, restaient perturbées et les banques du pays ont été fermées jusqu’à nouvel ordre. La Chine a appelé à un règlement des différends «dans le cadre de la Constitution et des lois afin de maintenir la stabilité politique et sociale». Les États-Unis et l’Union européenne ont dénoncé le coup d’État et exhorté à la libération des personnes arrêtées. Washington a averti de «mesures contre les responsables». Le Secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, a «condamné fermement (…) des développements qui portent un coup dur aux réformes démocratiques du pays». Une réunion du Conseil de sécurité de l’ONU sur la Birmanie, prévue de longue date, pourrait être avancée en début de semaine en raison des derniers développements, a indiqué à l’AFP un diplomate sous couvert d’anonymat. Ce coup d’État intervient alors que le Parlement issu des dernières législatives devait entamer sa première session hier. La Birmanie est sortie il y a tout juste 10 ans d’un régime militaire au pouvoir pendant presque un demi-siècle. Les deux derniers coups d’État depuis l’indépendance du pays en 1948 remontent à 1962 et 1988. Les militaires dénonçaient depuis plusieurs semaines plus d’une dizaine de millions de cas de fraudes lors des législatives de novembre. Ils exigeaient que la commission électorale dirigée par le gouvernement publie la liste des électeurs à des fins de vérification – ce qu’elle n’a pas fait. Les craintes s’étaient encore renforcées quand le chef de l’armée, le général Min Aung Hlaing – sans doute l’homme le plus puissant du pays –, a déclaré que la Constitution pouvait être «révoquée» dans certaines circonstances. Min Aung Hlaing concentre désormais les pouvoirs «législatif, administratif et judiciaire» et un autre général, Myint Swe, a été désigné président par intérim, un poste largement honorifique.
M. M.