Dès que l’attribution de l’organisation de la Coupe du monde 2022 au Qatar avait été annoncée en 2010, plusieurs voix avaient tenté d’alerter sur la probabilité de corruption entourant le choix de la FIFA, le petit royaume étant très loin de répondre aux normes habituelles pour une telle décision. Toutefois, cela avait été rapidement étouffé. Pourtant, les soupçons sont restés présents et les Qataris sont accusés depuis des années d’inonder les caisses européennes pour faire avancer leur agenda. Mais cette semaine c’est bien la main dans le sac
qu’une eurodéputée grecque a été prise. Elle est aujourd’hui mise en cause dans une affaire de corruption impliquant des versements d’argent liquide et des cadeaux de la part du Qatar. En réaction, le Parlement européen a retiré le titre de vice-présidente du Parlement européen à Eva Kaili. Cette sanction pour «faute grave» a été approuvée à la quasi-unanimité des députés présents à Strasbourg en séance plénière. Au cœur du scandale qui ébranle les institutions européennes, Eva Kaili occupait l’une des 14 vice-présidences du Parlement. L’élue socialiste grecque incarcérée dimanche en Belgique, est soupçonnée d’avoir été payée par Doha pour défendre les intérêts de l’émirat qui accueille actuellement le Mondial de football. L’avocat d’Eva Kaili a assuré hier qu’elle n’avait accepté aucun «pot-de-vin du Qatar». «Sa position est qu’elle est innocente. Elle n’a rien à voir avec les pots-de-vin du Qatar», a affirmé Me Michalis Dimitrakopoulos à la télévision grecque. Mais des sacs de billets ont été découverts dans son appartement dans la capitale belge. Elle n’a pas bénéficié de son immunité parlementaire car l’infraction a été constatée en flagrant délit. Le parquet fédéral belge a annoncé, au total, des centaines de milliers d’euros saisis, en trois lieux différents, auprès de trois suspects, au cours des 20 perquisitions déjà réalisées. Le scandale menace la crédibilité du Parlement européen tout entier, une Assemblée souvent en pointe pour dénoncer les pratiques de corruption de certains pays, y compris à l’intérieur de l’UE comme récemment la Hongrie de Viktor Orban. Roberta Metsola a exprimé lundi «fureur, colère et tristesse», en annonçant une «enquête interne» pour examiner tous les faits ainsi qu’une révision en profondeur des procédures de l’institution. La présidente des socialistes et démocrates (S&D, gauche), Iratxe Garcia Perez, a annoncé que ce groupe politique, auquel appartenait Mme Kaili, avait décidé de se «porter partie civile» lors d’un futur procès. Elle a souhaité que le Qatar puisse rendre des comptes. «Nous avons proposé de demander aux autorités du Qatar une collaboration dans cette enquête. Et s’il s’avère que ce pays a essayé de saper la démocratie européenne, qu’il y ait des sanctions», a-t-elle dit. Doha a démenti être impliqué dans des tentatives de corruption. L’eurodéputé social-démocrate allemand René Repasi redoute, comme d’autres élus, que l’affaire Kaili «ne soit que la partie émergée de l’iceberg», n’excluant pas que d’autres groupes politiques soient concernés. Ex-présentatrice de télévision âgée de 44 ans, Eva Kaili, eurodéputée depuis 2014, s’était rendue début novembre au Qatar où elle avait salué, en présence du ministre qatari du Travail, les réformes sociales de l’émirat. Le Parlement européen qui se permet en effet depuis des décennies maintenant de prêcher la bonne parole n’est pas aussi fiable qu’il pouvait paraître et devra travailler en totale transparence pour pourvoir regagner la confiance des peuples européens qui subissent d’ailleurs fréquemment ses directives, souvent jugées insensées et intrusives. La Hongrie, la Pologne ou même la Russie, dans un autre registre, doivent se délecter de cette situation qui ne fait que mettre en lumière l’hypocrisie, suspectée de longue date, des institutions européennes.