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vendredi 29 mars 2024

Corée du Sud: Chars, canons et « dents de dragon » pour « défendre à tout prix » l’île frontalière

 C’est le territoire le plus à l’ouest de la Corée du Sud, les soldats sont plus nombreux que les habitants et l’on peut voir la Corée du Nord depuis presque chacune des plages bordées de barbelés : bienvenue sur l’île de Baekryeong, une communauté sur la ligne de front.

Bien plus proche du continent nord-coréen qu’elle ne l’est du Sud, Baekryeong a des allures de forteresse avec ses chars garés au bord des routes, ses miradors installés sur chaque colline et ses plages pittoresques couvertes de fortifications en « dents de dragon » pour dissuader toute invasion.

Séoul a obtenu le contrôle de cette île d’environ 45 km2 à la fin de la guerre de Corée dans les années 1950, mais les 5.000 habitants y vivent sous une menace constante.

L’île est depuis longtemps un potentiel point chaud. Le numéro 1 nord-coréen Kim Jong-un l’a ciblée à plusieurs reprises, affirmant en 2013 qu’il pourrait faire « pleuvoir une mer de feu » sur Baekryeong, puis organisant en 2017 des exercices d’invasion amphibie simulée.

« Parfois, je fais des rêves d’invasion par les Nord-Coréens, surtout avec ce qui se passe dans l’actualité », déclare Kim Keum-sook, 64 ans, originaire de Baekryeong, en référence à l’enchaînement record de tirs de missiles effectué par le Nord cette année.

L’île revêt une importance stratégique considérable pour Séoul, car elle permet de contrôler les voies maritimes vitales de la mer Jaune, sans lesquelles son port d’Incheon serait coupé du monde.

Elle est située à deux kilomètres de la frontière maritime de facto et à seulement 14 kilomètres du continent nord-coréen.

Dans son enfance, Mme Kim était régulièrement évacuée en périodes de haute tension.

« J’ai toujours peur », souffle-t-elle, bien que son mari, Choi Won-mo, 65 ans, également originaire de l’île, affirme qu’ils étaient « aussi bien défendus que possible ».

 

Les « marines, l’armée de l’air, la marine et l’armée de terre sud-coréennes sont toutes à Baekryeong, toujours en état d’alerte », explique M. Choi.

 

Sur l’île, il y a davantage de soldats que d’habitants, mais la taille exacte de la garnison est un secret militaire.

 

La frontière maritime entre les deux Corées est depuis longtemps le théâtre de tensions. Fin octobre, les troupes du Sud et du Nord ont échangé des tirs de sommation dans les eaux autour de Baekryeong après qu’un navire nord-coréen a franchi la « Ligne de limite du Nord », qui prolonge en mer la ligne de démarcation intercoréenne.

 

M. Choi note que de tels événements sont « courants » sur l’île, et les habitants ont appris à vivre avec, après 70 ans d’incertitude – la guerre de Corée s’est soldée par un armistice et non par un traité de paix, de sorte que les deux Corées restent techniquement en guerre.

 

Lors du pire incident de ce type, en mars 2010, à un kilomètre à peine de l’île, le navire de guerre sud-coréen Cheonan a été coulé par une torpille nord-coréenne, selon Séoul, tuant les 46 marins à bord.

 

Aujourd’hui, les troupes stationnées sur l’île effectuent régulièrement des exercices d’artillerie sur la plage – tirant à blanc sur des cibles flottant au large.

 

« Il suffit de regarder toutes les troupes et les armes ici, le gouvernement est déterminé à défendre l’île de Baekryeong à tout prix », souligne Lee Chung-dong, un pêcheur de 71 ans qui a vécu ici pendant un demi-siècle. « C’est parce qu’ils savent que si Baekryeong tombe, Incheon aussi ».

 

Malgré les dangers – le ferry qui s’y rend emprunte une route détournée pour le rendre moins vulnérable – l’île est une destination touristique.

 

Des centaines de touristes, principalement nationaux, s’y rendent chaque semaine, attirés à la fois par la proximité du Nord et par sa beauté naturelle.

L’une des attractions les plus emblématiques, la formation rocheuse Dumujin, est présentée comme « le dernier chef-d’œuvre d’un vieux dieu », dans les écrits d’un érudit de la dynastie Joseon.

« La beauté de Baekryeong réside dans son paysage naturel », estime Kim Yong-sung, 50 ans, qui visite l’île avec ses collègues.

« Je sens bien un certain danger à être si près de la frontière, mais comme cela a toujours été le cas, ça ne va pas m’empêcher de profiter de sa beauté. »

Rappelant que l’île est là depuis des millions d’années, Kim Chang-hee, 75 ans, une guide du parc, observe que « la Corée n’est divisée que depuis 70 ans. Un jour, cela aussi ne sera qu’un lointain souvenir. »

 Rosa C.

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