Emmanuel Macron avait, à l’orée de son mandat, laissé apercevoir une volonté de se présenter comme un président capable de redorer le blason de la France sur le plan international et de se poser comme l’une des voix les plus importantes de l’Occident. Il s’était d’ailleurs souvent positionné ouvertement contre le président américain dont il avait notamment vertement critiqué les positions sur le plan environnemental. Aujourd’hui, alors que le président français doit faire face aux conséquences économiques titanesque de la pandémie de Covid-19, il se place en arbitre dans le duel Chine/États-Unis et enjoint aux deux puissances de dépasser leur rivalité. «Le monde tel qu’il est aujourd’hui ne peut pas se résumer à la rivalité entre la Chine et les États-Unis», a déclaré le président français lors d’une allocution vidéo de près de 45 minutes, à la 75e Assemblée générale de l’ONU, mardi. Pour Emmanuel Macron, la réponse réside, plus que jamais, dans la «coopération internationale» qui, bien que «difficile» est «objectivement impérative». Intervenant avant Macron, Donald Trump a d’ailleurs de nouveau vivement attaqué Pékin, tandis que Xi Jinping a, sans citer les États-Unis, mis en garde contre «le piège d’un choc des civilisations». Le contexte de crise sanitaire oblige à «un électrochoc», a insisté Macron. Car «toutes les fractures qui préexistaient à la pandémie – le choc hégémonique des puissances, la remise en cause du multilatéralisme ou son instrumentalisation, le piétinement du droit international – n’ont fait que s’accélérer et s’approfondir à la faveur de la déstabilisation globale créée par le virus». Il a ainsi regretté la paralysie du Conseil de sécurité face à la crise sanitaire parce que ces deux pays «ont préféré à l’efficacité collective l’affichage de leur rivalité», ajoutant qu’aucun pays ne pourrait affronter seul les défis du monde et que le multilatéralisme efficace était une «nécessité opérationnelle». Mais, selon lui, «nous ne sommes pas collectivement condamnés à un pas de deux qui nous réduirait à n’être que les spectateurs désolés d’une impuissance collective. Nous avons des marges de manœuvre, à nous de les utiliser». Au premier rang de celles-ci, figurent les organisations internationales, «dont nous avons tant besoin», et le rôle moteur que doit jouer l’Europe, qu’il voit sortie renforcée de la crise. «L’Union européenne, dont beaucoup prédisaient la division et l’impuissance, a fait, à la faveur de la crise, un pas historique d’unité, de souveraineté et de solidarité», affirme Macron. Dans son allocution, le président français, qui n’a pas pu faire le traditionnel discours annuel devant les ambassadeurs de la fin août à cause de la pandémie, a réaffirmé les positions de Paris sur les grandes crises : Syrie, nucléaire iranien, Sahel, Belarus ou Liban. Il a aussi évoqué l’empoisonnement de l’opposant russe Alexei Navalny sur lequel la Russie doit faire «toute la lumière». Commentant l’annonce américaine d’un retour des sanctions de l’ONU contre l’Iran, «nous ne transigerons pas sur l’activation d’un mécanisme que les États-Unis, de leur propre chef, en sortant de l’accord, ne sont pas en situation d’activer», dit-il. Car «ce serait porter atteinte à l’unité du Conseil de sécurité, à l’intégrité de ses décisions et ce serait prendre le risque d’aggraver encore les tensions dans la région», selon lui. Sur les tensions en Méditerranée orientale, il a appelé à «un dialogue efficace et clarifié» avec la Turquie après des mois d’échanges acrimonieux entre Paris et Ankara. «Les insultes sont inopérantes», a souligné Macron qui, signe d’apaisement, s’est entretenu avec Recep Tayyip Erdogan mardi soir au téléphone. Le président français réussira-t-il peut-être à faire avancer dans le bon sens la situation en Méditerranée, mais l’incapacité du président turc de faire des concessions risque là encore de rendre la position de la France intenable.
F. M.