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samedi 20 avril 2024

Consommation irrationnelle de la ressource vitale : Après les coupures d’eau, le gaspillage ?

Avec les gaspillages de toutes sortes, l’égoïsme et le monopole sur l’eau à travers un stockage excessif, le problème de l’eau et les inégalités dans sa distribution risquent de perdurer si la prise de conscience tarde.

Par Louisa Ait Ramdane

En plus de sa rareté, une bonne partie des citoyens s’est orientée à monopoliser l’eau à travers un stockage excessif de cette ressource vitale. C’est ce qui explique le faible débit de l’eau dont se plaignent les citoyens habitant dans certaines localités de la capitale (Bachdjarah, Birkhadem, Bab Ezzouar, Bordj El Kiffan, Ain Naadja….), estime le directeur des ressources en eau (DRE) de la wilaya d’Alger, Kamel Boukricha. «Les locataires des étages inférieurs des immeubles ne ferment pas leurs robinets durant toute la plage horaire qui est réservée à leur quartier», constate-t-il. Selon lui, l’efficacité d’application du programme d’urgence mis en place en matière d’alimentation en eau potable à Alger et ses environs est réduite par une consommation irrationnelle de cette ressource, constatée les deux premiers jours de ce programme entré en vigueur samedi.
Au vu de cette utilisation irrationnelle de l’eau dont font preuve certains citoyens, «même toute l’eau du monde ne suffirait pas à contenter la demande», déplore-t-il.
A propos de la plage horaire d’AEP, le même responsable explique dans une déclaration à l’APS que le wali n’a jamais dit que le citoyen aurait de l’eau de 6h du matin jusqu’à 18h mais plutôt entre 6h et 18h, ce qui change tout. Ce qui signifie, selon lui, que certains habitants auront de l’eau pendant six heures, d’autres pendant sept heures alors que pour une partie de la population l’eau ne coulera plus dans leur robinet au bout de deux heures.
Ainsi, les habitants des appartements situés au rez-de-chaussée d’un immeuble auront de l’eau dans leurs robinets plus tôt que ceux qui sont au 5e ou 10e étage. Plus on habite près du château d’eau, plus on est alimenté rapidement.
S’exprimant sur l’absence de l’eau dans les robinets des habitants de Ain Benian (ouest de la capitale) depuis plusieurs jours, Boukricha a justifié cela par un problème technique qui est en phase de résolution, évoquant des bouchons d’air dans les canalisations qui sont à l’origine de ce problème.

Dessalement, forages… des plans d’urgence sur tout le territoire
Pour faire face au stress hydrique, le ministère des Ressources en eau engage un programme d’urgence. Dans chaque région du pays, des solutions, à court et moyen terme, sont mises en place pour renforcer l’alimentation en eau potable, a affirmé le secrétaire général du ministère, Smaïl Amirouche, sur les ondes de la Chaîne 3 de la Radio algérienne.
Si dans certaines wilayas la situation est maîtrisable, dans d’autres, en revanche, la situation est un peu plus lourde. Pour le Centre du pays et l’Algérois, la situation est plus complexe, a reconnu Smaïl Amirouche. «Personne ne maîtrise les cycles hydrologiques», a relevé le SG du ministère des Ressources en eau, affirmant que la météo a contredit les prévisions. «Les rares pluies qui sont tombées ces trois dernières années n’ont pas permis un remplissage des oueds, dont les crues sont nécessaires pour alimenter les barrages», a-t-il constaté. Pour parer à l’urgence, le ministère des Ressources en eau intensifie les forages de puits dans le Centre du pays. «Un vaste programme est lancé, principalement dans l’Algérois. Jusqu’à présent, 170 forages ont été lancés et 120 autres sont encore prévus», a annoncé le responsable. Une solution opérationnelle à court terme puisque «le délai moyen de réalisation d’un forage avec ses équipements, raccordé à l’électricité et aux canalisations, est de l’ordre de deux mois, au maximum», a-t-il précisé. Mais il a souligné que cette solution reste temporaire et prévenu que la nappe phréatique sera fortement sollicitée durant les trois prochaines années, le temps que des solutions définitives soient mises en place. Il faudra ensuite laisser la nappe phréatique se reposer. «Nous sommes en train de développer des solutions techniques, en collaboration avec l’Agence nationale des ressources hydrauliques, pour la réalimentation artificielle des nappes, notamment celle de la Mitidja».

22 wilayas fortement touchées
Le département des Ressources en eau compte actuellement 22 wilayas fortement touchées où des solutions sont mises en œuvre. Dans l’ouest du pays, plus précisément à Sidi Bel-Abbès, où le barrage de Sidi Abdelli a connu un taux très faible de remplissage, la ville et plusieurs communes seront raccordées à la station de dessalement et au barrage de Sikkak (Tlemcen). Les travaux se terminent au mois de juillet. «Cette nouvelle ressource va renforcer et garantir l’alimentation en eau potable de la population de Sidi Bel-Abbès, en attendant l’hiver prochain», a affirmé le responsable. Il a cité d’autres mesures prises, à l’exemple des solutions apportées dans les wilayas de Sétif et de Bordj Bou Arréridj.
Invité de la rédaction de la Chaine 3, Smail Amirouche a fait savoir qu’au moins 50 % des besoins en eau potable nécessaires pour l’alimentation des populations seront assurés à partir de l’eau de mer dessalée à l’horizon 2030.
Le dessalement de l’eau de mer a été retenu par le gouvernement comme la solution alternative pour faire face au phénomène du stress hydrique.
Selon lui, des projets de réalisation rapide de trois stations de dessalement de l’eau de mer ont été mis en œuvre depuis mars dernier pour les besoins des populations d’Alger et une autre station destinée pour la wilaya de Tipaza. Il s’agit de la réalisation d’une station monobloc à Zéralda, dotée d’une capacité de 10 000 m3/jour, d’une deuxième station prévue à Palm Beach pour une capacité de 5 000 m3/j et d’une troisième station qui sera réalisée à Ain Bénian pour 10 000 m3. Pour la station prévue dans la wilaya de Tipaza, elle sera implantée à Bou-Ismail et dotée d’une capacité de traitement de 10 000 m3/j.
«Les travaux avancent très bien et nous devons mettre en service la première station monobloc de Palm Beach entre le 15 et 20 juillet prochain, ce qui permettra de régler le problème de manque d’eau au niveau de cette région».
Il a annoncé que trois nouvelles stations de dessalement de type monobloc seront lancées durant cette semaine au niveau des localités de «Bateau cassé» (commune Bordj El Kiffan) d’une capacité quotidienne de 10 000 m3, une deuxième station de traitement de 60 000 m3/j à la commune d’El Marsa, tandis que la troisième est prévue au niveau de la commune de Corso (Boumerdès) ayant une capacité de 80 000 m3/j.
Les financements de ces projets sont en train d’être mis en place par les banques concernées avec l’entreprise Algerian Energy Compagny (AEC), relevant du ministère de l’Energie et des Mines. Les réalisations de ces projets, dont les délais sont estimés de 4 à 10 mois, vont permettre de produire une quantité totale de 150 000 m3/jour, soit plus d’un quart des eaux de surface exploitées pour couvrir les besoins de la capitale, a-t-il précisé.
Il est prévu aussi, selon lui, la relance du projet de réalisation de la station de dessalement de Fouka (Tipaza) de 300 000 m3/jour, qui devra garantir une autonomie en matière de ressources en eau pour la capitale de ne dépendre que de 25 % des eaux de surface. L’appel d’offres de ce projet, qui avait été lancé en 2018, est en cours de relance par les services du ministère de l’Energie, a-t-il mentionné, ajoutant qu’une quantité de 200 000 m3/j sera destinée pour Alger et 100 000 m3/j pour la wilaya de Blida.
A l’échelle nationale, il est prévu, selon le responsable du ministère des Ressources en eau, la réhabilitation de la station de dessalement de Souk Tlata (Tlemcen), qui est à l’arrêt depuis octobre 2019, et la réhabilitation de la station d’El-Magtaa (Oran), afin d’atteindre une capacité totale de traitement de 500 000 m3/j au lieu de 250 000 actuellement.
Une nouvelle station de dessalement sera également réalisée au niveau de Cap Djenet, dotée d’une capacité de 200 000 m3/j pour renforcer l’alimentation de la partie Est d’Alger et une partie de la wilaya de Tizi Ouzou.
A l’est du pays, un projet de réalisation d’une nouvelle station (300 000 m3/j) est mis en œuvre pour assurer les besoins de trois wilayas (Annaba, El Tarf et Guelma), a-t-il également détaillé, précisant que ces nouvelles stations viendront renforcer le parc de 11 stations déjà opérationnelles au niveau national.
Le coût global de financement de ces projets dépassera, selon l’invité de la radio, le montant de 150 milliards de DA.
L. A. R.

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