L’instabilité étatique du Liban fait aujourd’hui malheureusement presque partie de son ADN, alors que les responsables politiques du pays sont incapables de s’entendre pour former un gouvernement en ces temps de grave crise économique qui lamine le pays. Les députés libanais ont en effet échoué pour la quatrième fois cette semaine à élire un successeur au président Michel Aoun, dont le mandat expire début novembre, le Parlement étant clairement divisé en deux camps, celui du Hezbollah pro-iranien et celui de ses opposants. Le Liban se dirige donc vers un vide politique, faute de candidat à même de recueillir la majorité des voix au Parlement, où aucun camp ne dispose d’une majorité claire. Le député Michel Moawad, qui tente de réunir les voix du camp opposé au Hezbollah, a obtenu 39 votes hier, loin des 86 voix nécessaires pour être élu au premier tour. Le fils de l’ancien président René Moawad, assassiné en 1989, a obtenu trois voix de moins que lors de la dernière séance jeudi dernier. Cinquante députés ont voté blanc, dont les parlementaires du camp pro-Hezbollah. Un militant et professeur d’université respecté, Issam Khalifé, a obtenu dix voix, notamment celles de députés issus du mouvement de contestation déclenché en octobre 2019 pour réclamer le départ d’une classe politique en place depuis des décennies, accusée de corruption et d’incompétence. Comme plusieurs fois par le passé au Liban, le processus d’élection d’un nouveau président pourrait prendre des mois dans un pays miné par les divergences politiques qui empêchent également la formation d’un gouvernement. L’élection de Michel Aoun avait eu lieu en 2016 après une vacance de 29 mois au sommet de l’État, et des dizaines de séances de vote au Parlement pour tenter de parvenir à un consensus sur un candidat. En vertu du système confessionnel de partage du pouvoir en vigueur, la présidence de la République est réservée à un chrétien maronite, mais les prérogatives du chef de l’État ont été fortement réduites depuis la fin de la guerre civile (1975-1990). «Aucun bloc au Parlement ne peut imposer un président, ni le Hezbollah ni personne d’autre», a déclaré Elias Hankache, député du parti chrétien Kataeb qui soutient René Moawad. Il a déploré un «blocage systématique» de la part du camp du Hezbollah chiite, qui a manifesté son hostilité à la candidature de René Moawad. Le Liban connaît depuis 2019 l’une des pires crises économiques au monde depuis 1850 selon la Banque mondiale, marquée par une flambée vertigineuse des prix, une dégringolade historique de la devise nationale, une paupérisation inédite de la population et de graves pénuries. L’explosion monumentale du port de Beyrouth en août 2020 a encore accentué les difficultés du pays, avec une facture s’élevant à près de 8 milliards d’euros. Après le départ de Michel Aoun, la situation risque de se compliquer encore pour les Libanais qui constatent depuis des dizaines d’années maintenant l’incapacité de leurs dirigeants à travailler ensemble pour le bien commun. Mais à l’heure où une majorité de la population se bat pour sa survie au quotidien, les débats politiques et politiciens peuvent sembler bien dérisoires, surtout qu’aucun responsable ou mouvement politique n’est à même aujourd’hui d’apporter une solution aux problèmes concrets de ses concitoyens.