Si les directions des partis de gauche et d’extrême-gauche ont décidé de s’allier à l’occasion des prochaines élections législatives en France, au niveau local, le moins que l’on puisse dire est que la Nupes (Nouvelle alliance populaire écologiste et sociale) ne fait pas que des heureux et que les dissidences se font chaque jour plus nombreuses. Officiellement, la Nupes prévoit une répartition des 577 circonscriptions, à savoir 100 circonscriptions pour les mouvements écologistes, 70 pour le PS, 50 pour le PCF et le reste pour LFI. Mais cet accord est loin de satisfaire ceux qui sur le terrain espéraient une circonscription. Parmi les prétendants déçus, certains refusent de s’écarter pour laisser place au candidat investi, en particulier au sein du Parti socialiste, qui s’est déchiré publiquement sur l’opportunité d’une telle alliance. Ceux qui sont prêts à défier les décisions de leurs partis doivent faire face à des risques financiers (il faut obtenir au moins 5 % des suffrages pour être remboursés de ses frais de campagne) mais également politiques, en risquant l’exclusion de leur parti. L’un des points de crispation les plus médiatisés porte sur la 15e circonscription de Paris. En juin 2021, la socialiste Lamia El Aaraje y a été élue députée lors d’une législative partielle, mais le scrutin a été annulé sept mois plus tard en raison d’un imposteur parmi les candidats. L’accord prévoit d’investir Danielle Simonnet, conseillère LFI de Paris. Une «injustice», déplore Lamia El Aaraje sur Twitter. Jeudi dernier, au Conseil national du PS, une motion a été votée pour tenter de renégocier ce point. «Je m’exprimerai bientôt», a promis l’éphémère députée. Dans la 14e circonscription du Rhône, à Vénissieux, La France Insoumise a poussé pour investir un candidat de la société civile, le journaliste et militant Taha Bouhafs. Mais la maire communiste de la ville, Michèle Picard, ne compte pas se retirer et l’a fait savoir dans un communiqué de la section communiste de Vénissieux, le 3 mai. Le Rhône pourrait compter une deuxième dissidence, celle de la socialiste Cristina Martineux, dans la 6e circonscription, à Villeurbanne. Elle y ferait face à Gabriel Amard, Insoumis et gendre de Jean-Luc Mélenchon. Un «parachutage», dénonce-t-elle dans «Lyon Capitale». Elle se donne trois jours pour prendre une décision, indique-t-elle au magazine local. Plusieurs dissidences sont également attendues dans le Nord et le Pas-de-Calais. Soutenu par la base militante locale mais pas investi par son parti, l’Insoumis Éric Renaud refuse de se retirer au profit de l’ancien candidat à la présidentielle Fabien Roussel, dans la 20e circonscription du Nord (Saint-Amand-les-Eaux), affirme «La Voix du Nord». Ainsi, si la Nupes est saluée par ses architectes, sur le terrain et dans les instances des partis l’on a du mal à se réjouir d’une alliance de façade qui ne devrait pas tenir au-delà des élections de juin prochain, tant les discordances sont fortes parmi les différents mouvements qui la composent. Sur le terrain, les dissidences ne sont qu’un symptôme du manque de cohérence qui habite l’accord concocté par La France Insoumise dans le seul espoir de remporter les législatives et d’imposer, du moins veulent-ils le faire croire, la nomination de Jean-Luc Mélenchon à Matignon, alors même que le choix du Premier ministre sous la Ve République relève des prérogatives du chef de l’État. Reste à voir si les électeurs, eux, seront sensibles au rassemblement de la Nupes ou si l’abstention, qui a déjà battu des records lors de cette dernière présidentielle sera, comme elle l’a été en avril dernier, favorable au président Emmanuel Macron et à son parti.