Nommé à la tête de la délégation d’Oran à la médiation de la République, Choaïb Baghli est engagé depuis plus d’une année dans le règlement des doléances des habitants de cette wilaya. Un travail d’équipe mené au quotidien contre la bureaucratie et la prise en charge des problèmes socio-économiques des citoyens.
Par Mehdi Mourad
C’est dans une bâtisse flambant neuve mise à la disposition de l’APC de Bir el Djir et totalement équipée par la wilaya, qu’est installée la délégation du médiateur de la République d’Oran. Choaïb Baghli préside à la destinée de cette instance locale depuis sa création en juillet 2020. Marié et père de trois enfants, cet ingénieur en travaux publics a un parcours professionnel aussi long que varié. Il a débuté sa carrière à la Direction des travaux publics d’Oran en 1983, puis, après son service national, a rejoint la Direction des travaux publics de Tlemcen. Entre deux postes, Choaïb Baghli a trouvé le temps de passer un master en marketing et management et un certificat de maîtrise dans les marchés publics. Il engage ensuite une carrière d’universitaire en qualité de chercheur associé à l’université de Mascara dans le domaine socio-économique, puis à l’université d’Oran en qualité d’enseignant en résistance des matériaux (RDM). Dans sa ville natale, il partage son planning entre les amphithéâtres et les chantiers d’une grande entreprise locale de construction. En 2010, il renoue avec la Fonction publique en étant nommé directeur des affaires sociales à Mascara puis à Sidi Bel-Abbès.Une expérience qui lui a permis de constater de visu la réalité et la complexité de la société algérienne et les problèmes que vivent les citoyens au quotidien. En 2019, lors de l’élection présidentielle, Choaïb Baghli s’engage en politique en qualité de directeur de campagne à Oran du candidat Abdelmadjid Tebboune.
Facilitateur
En été 2020, nouveau changement dans son parcours. Le 16 juillet il est nommé officiellement en qualité de délégué de la médiation pour la wilaya d’Oran. «J’ai été installé par le wali d’Oran puis, lors d’une seconde cérémonie, par Monsieur Abdelhafid Allahoum, le conseiller du président de la République. Je dois dire que j’ai commencé à travailler immédiatement après mon installation pour former mon équipe et recevoir les requêtes», explique Choaïb Baghli. Le médiateur et les membres de son staff sont très vite confrontés aux problèmes des habitants de la wilaya d’Oran. «Les gens viennent essentiellement se plaindre de l’administration. Malheureusement, nous faisons face àune certaine bureaucratie qui ne facilite pas la vie des citoyens. Les plaintes sont multiples : permis de construire, logements sociaux, certificats d’urbanisme, blocages socioprofessionnels. Les opérateurs économiques aussi se plaignent de blocages administratifs, il s’agit notamment de questions liées aux zones industrielles, de raccordements au gaz et à l’électricité ou encore l’absence de viabilisation. Notre rôle est de saisir l’administration pour trouver des solutions. Nous sommes des facilitateurs, notre rôle ne consiste pas à s’immiscer dans le travail de l’administration mais de trouver des solutions fiables dans le cadre de la loi et de la réglementation», indique le délégué de la wilaya d’Oran à la médiation de la République. Ce dernier s’appuie sur une équipe composée de conseillers, détachés de services administratifs, ainsi que de quatre employés, dont deux titulaires de licence, qui ont été placés par l’Agence nationale de l’emploi (Anem). Selon lui, ses services reçoivent «une moyenne de 25 à 30 personnes, parfois plus». «Il nous arrive de recevoir également des groupes, comme récemment avec des bénéficiaires de l’AADL ou de logements sociaux. Le logement est un secteur où il y a beaucoup de problèmes, donc de plaintes. Nous recevons également des syndicalistes qui sont confrontés à des problèmes avec leurs directions», ajoute-t-il. Choaïb Baghli estime le taux de règlement des dossiers «à environ 70%». Les plus hautes autorités du pays sont récemment intervenues pour rappeler la nécessité de prendre en compte les doléances transmises par les délégués à la médiation de la République. «Le 28 septembre, le Premier ministre a adressé une instruction à tous les ministères et aux walis afin qu’ils répondent dans les délais aux demandes des services de la médiation. C’est un point important qui va certainement augmenter le taux de règlement». Selon Choaïb Baghli, les blocages bureaucratiques sont souvent le fait d’agents subalternes. «Nous avons constaté que les blocages sont créés par des agents administratifs. Je peux vous assurer que souvent le wali ou encore les directeurs de l’exécutif découvrent en même temps que nous les agissements de ces individus qui génèrent les problèmes bureaucratiques. Il nous arrive de vivre des moments difficiles avec des plaignants qui subissent cette bureaucratie. Mais nous avons ensuite la joie de les voir repartir satisfaits lorsque leur problème est réglé», note le délégué. Choaïb Baghli se rappelle du cas d’une brillante bachelière dont l’avenir a failli basculer. «Un jour, nous avons reçu un papa dont la fille avait décroché le bac avec plus de 17,44 de moyenne. Elle s’était inscrite à l’Ecole polytechnique, d’architecture et d’urbanisme d’Alger (Epau). Elle avait raté la séance de recours car elle n’avait pas les moyens de se déplacer. Nous avons pu régler son problème en faisant intervenir le recteur de l’université d’Oran qui a saisi son confrère de l’Epau. Croyez-moi, il n’y avait rien de plus satisfaisant que de voir la joie de cette étudiante et de son père», avoue l’ingénieur en travaux publics.
Digitalisation
Concrètement, comment se déroule la prise en charge d’un dossier ? Le citoyen doit d’abord passer pas le service d’accueil et d’orientation muni d’une lettre explicative adressée à la délégation d’Oran à la médiation de la République. «Les agents d’accueil prennent tous les renseignements de la personne, le sujet de sa doléance et l’administration concernée. Les informations sont introduites dans la plateforme informatique de la médiation d’Oran. Le système transmet directement le dossier sur mon ordinateur et celui de mes conseillers. La personne est alors reçue pour exposer son cas qui est traité par nos services dans les 24 heures puis transmis à l’administration objet de la doléance», indique le médiateur d’Oran. La réponse de l’administration doit intervenir dans un délai de 21 jours. Un rappel est envoyé au terme de ce délai. «Nous attendons encore une semaine, s’il n’y a aucun retour nous saisissons directement la tutelle, notamment le wali quand il s’agit d’une administration locale. S’il faut saisir le ministère, nous le faisons à partir d’Alger, à travers les services du médiateur de la République, Monsieur Ibrahim Merad. Tout ce processus fait l’objet d’un suivi minutieux grâce à notre plateforme informatique. Un système de couleurs (vert, orange et rouge) nous indique précisément le parcours de chaque dossier et les moments auxquels nous devons intervenir. Tout est géré de façon efficace et totalement transparente», ajoute Choaïb Baghli. Notons que la plateforme informatique a été développée pour le compte de la délégation d’Oran à la médiation de la République par un ingénieur en informatique. «C’est un travail de digitalisation qui a été réalisé à titre bénévole», assure-t-il. Par ailleurs, un contact permanent avec les citoyens est maintenu grâce à Facebook. «Nous publions quotidiennement nos activités sur notre page et nous avons cette possibilité de recevoir des alertes sur certaines situations à travers la messagerie instantanée de ce réseau social».
Un cadre très strict
Les missions du médiateur de la République sont très strictes. Il ne peut intervenir en dehors du cadre délimité par le décret présidentiel du 15 février 2020 portant institution du médiateur de la République. «Il faut comprendre que les services de la médiation ne peuvent pas intervenir dans le champ de la justice. Lorsqu’une affaire est pendante devant un tribunal, nous expliquons au concerné que nous ne pouvons rien faire et qu’il faut laisser les magistrats faire leur travail en totale indépendance. En fait, cela est clairement défini dans les attributions du médiateur national et des médiateurs délégués de wilaya. L’article 4 du décret présidentiel de février 2020 dispose que nous ne pouvons pas ‘’intervenir dans une procédure judiciaire ou remettre en cause une décision de justice’’. Souvent ce ne sont pas les dossiers traités par la justice qui posent problème, mais plutôt l’exécution des décisions de justice. Cette problématique a d’ailleurs été soulevé par le président de la République lors de l’ouverture de l’année judiciaire». Idem pour des citoyens et des fonctionnaires qui viennent parfois soulever des affaires de corruption. «Nous les orientons systématiquement vers la justice et les services de sécurité qui sont aptes à traiter ce genre d’affaires», note notre interlocuteur. Les problèmes socio-économiques et les blocages bureaucratiques composent donc l’essentiel des plaintes. Mais le médiateur délégué et son équipe peuvent également intervenir dans un contexte exceptionnel comme ce fut le cas lors des vagues de contamination de Covid-19, notamment celle qu’a connue l’Algérie durant l’été 2021. «Nous avons été particulièrement sollicité durant la vague de Covid-19 de cet été par les parents de malades qui cherchaient de l’oxygène. En toute modestie, nous avons pu intervenir dans le processus de lancement de la nouvelle unité de production d’oxygène médical de Béthioua d’une capacité de 150 000 litres/jour. Nous avons également participé à la dynamique mise en œuvre par le wali d’Oran pour la fourniture d’oxygène aux hôpitaux de la région ainsi qu’aux cliniques privées». Choaïb Baghli reste persuadé de la nécessité de poursuivre le travail de médiation pour le «bien-être des citoyens». «Les habitants de la wilaya d’Oran connaissent la médiation. Ils savent qu’ils peuvent avoir recours à notre instance lorsqu’ils sont confrontés à la bureaucratie ou lorsque leurs droits de citoyen ne sont pas respectés».
M. M.