Si les Américains, et à leur suite les Britanniques, sont certains que les Russes vont attaquer l’Ukraine, il n’en est de même ni des Allemands ni des Français. Ni non plus des Ukrainiens, qui certes se savent menacés par leurs puissants voisins de l’est, mais dans l’immédiat pas nécessairement d’une invasion qui s’étendrait jusque dans leur capitale, comme le croit en particulier Joe Biden. Le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, en bon comédien qu’il est, se permet même d’affirmer en public que dans cette affaire il ne croit vraiment que ses propres services de sécurité. Une façon à peine détournée de dire qu’il se méfie en fait de l’alarmisme des Américains et des Britanniques, auxquels d’ailleurs il lui était déjà arrivé de conseiller de ne pas céder à la panique, de garder leur sang-froid ; en d’autres termes, de prendre exemple sur lui, qui bien qu’étant en première ligne conserve entier son sens de l’humour. Bien que n’étant pas loin de penser comme lui, les Français et les Allemands, sur la conduite desquels beaucoup d’autres Européens auraient tendance à régler leur conduite, se sont finalement décidés à demander à leurs compatriotes de quitter l’Ukraine, ce que les Anglo-saxons ont fait depuis longtemps.
A ce qu’il semble, moins en raison d’une concentration accrue des forces russes à la frontière que pour ne pas avoir l’air de douter sérieusement de l’exactitude des informations que leur dispensent les Américains, ce qui à tout le moins ne serait pas poli à leur égard. Si les Russes ont une chance dans la suite des événements d’amener les Occidentaux à prendre en considération leurs demandes en matière de sécurité, comme celle relative au système de défense antimissile installé en Pologne, qui sera opérationnel dès cette année, et dont eux-mêmes exigent l’abandon pur et simple, ce n’est pas en réduisant leurs forces qu’ils y parviendront, mais au contraire en les augmentant, seule manière en effet de faire croire qu’une attaque est imminente. Tant que les Américains croient que telle est effectivement leur intention, cela veut dire qu’ils sont pris au sérieux, et que peut-être le temps n’est pas loin où ils s’entendront dire qu’au plan de la sécurité tout est discutable, y compris les installations en Pologne et en Roumanie, dont ils ne veulent absolument pas. Il n’y a que les prorusses des deux républiques autoproclamées du Donbass pour afficher la même certitude que les Américains quant à l’imminence de la guerre. En fait, pour ces derniers elle n’est pas à venir, elle a déjà commencé, comme en attestent les évacuations des femmes, des enfants et des plus âgés en Russie qu’ils se sont mis à organiser. Les Américains n’ont cessé au cours de cette crise d’adjurer les Russes de continuer de parier sur la diplomatie en vue de la surmonter. Mais ils se gardent bien de dire jusqu’où eux-mêmes sont disposés à aller dans cette voie. Il ne semble pas en tout cas que ce soit jusqu’à apporter aux Russes les garanties de sécurité qu’ils demandent, pour l’obtention desquelles ils ne reculeront pas devant l’épreuve de force. Il n’est même pas question pour eux de leur donner l’assurance que l’Ukraine ne sera jamais membre de l’Otan, ce qui serait pourtant facile, étant donné que cela du moins n’est pas encore fait. Ne parlons pas alors de ce qui est passé dans la réalité et qu’il faille défaire pour leur donner satisfaction.