Retirer les Houthis de la liste des organisations terroristes, où l’administration Trump les avait portés juste avant de s’en aller, n’est pas seulement une urgence pour le nouveau chef de la diplomatie américaine, Antony Blinken, c’est quasiment l’urgence des urgences. Ce sera d’ailleurs chose faite dès mardi prochain, à la grande satisfaction de l’ONU et des organisations humanitaires engagées sur la scène yéménite. Cette décision n’est pas la seule certes à avoir été prise par la nouvelle administration dès son installation. Mais elle a été l’une des toutes premières à être annoncées dès avant le 20 janvier, jour de l’intronisation de Joe Biden. Il faut dire aussi qu’elle est la seule à ne pas souffrir de retard. C’est un peu comme si l’administration sortante avait laissé derrière elle une bombe à retardement à la Maison-Blanche, qu’il fallait donc désamorcer avant de s’attaquer à quoi que ce soit d’autre, ou qu’elle avait allumé un feu en guise de bienvenue à proximité d’une poudrière quelque part dans le monde. Toutes les autres premières décisions pouvaient attendre un peu, mais pas celle-là. La nouvelle administration américaine n’aurait pas réagi avec une telle hâte si elle n’était mue que par le souci de réparer une injustice, de redresser un tort : en l’occurrence la qualification de terroriste d’une organisation qui ne le serait pas.
D’autant que si cette organisation ne répond pas en tout point à la définition de terroriste, il ne fait pas de doute en revanche qu’elle s’est rendue coupable de crimes de guerre contre le même peuple dont elle s’estime être par ailleurs la représentante. Peut-être n’est-elle pas la seule à en avoir commis, mais cela ne la dédouane pas des siens. De toutes les parties prenantes au conflit yéménite, les Houthis sont les plus dangereux, les plus sanglants, si l’on met de côté les organisations terroristes en quelque sorte de plein droit que sont l’Etat islamique et Al-Qaïda. Le Yémen serait aujourd’hui en paix s’il n’avait pas pris envie aux Houthis de se lancer dans une guerre de conquête, avec la complicité et l’appui de l’Iran et de ses satellites dans la région. Ce pays ne serait pas aujourd’hui plongé dans la pire des crises humanitaires que le monde connaisse depuis des décennies. C’est parce qu’elle sait quelle sera leur réponse à leur qualification de terroristes que la nouvelle administration américaine n’a rien eu de plus pressé que d’effacer leur nom de la liste noire. Les Houthis sont tellement fanatiques, violents et sanguinaires qu’ils s’en seraient vengés sur le peuple yéménite en planifiant et exécutant d’autres crimes contre lui, sûrement pires que ceux déjà perpétrés par eux. L’ONU et les organisations humanitaires de toutes obédiences ont à l’unisson appelé à l’annulation de la décision prise par l’administration Trump, avec des accents trahissant chez elles les pires craintes pour ce qu’il est susceptible d’en découler pour les Yéménites si cette décision est maintenue. Pour la première fois une organisation guerrière a vu son nom retirer de la liste noire par la seule force de dissuasion que constitue sa férocité, son manque d’humanité. Ni les Etats-Unis, ni l’ONU ni les organisations humanitaires n’ont le moindre doute quant à la nature sauvage des Houthis. Leur recul est pourtant d’une grande sagesse. Il a été opéré pour sauver des vies humaines. Peut-être une première dans l’histoire.