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mardi 30 mai 2023

Ce que veut la Russie

Si le but de l’intervention militaire russe en Ukraine était seulement d’empêcher que celle-ci puisse un jour devenir membre de l’Otan, on saurait dès à présent deux choses essentielles : d’une part que l’Ukraine est effectivement condamnée à être entièrement envahie, et de l’autre que le conflit armé qui commence ne déborderait pas nécessairement sur d’autres pays à l’est de l’Europe. Or ce but ne serait pas atteint de façon certaine si ce pays n’était occupé par l’armée russe qu’en partie. En fait, une occupation limitée au Donbass et à la Crimée pourrait même hâter l’intégration de l’Ukraine, ou, ce qui serait tout aussi inacceptable pour la Russie, achever de la rendre une base avancée de l’Otan, ce que d’ailleurs elle est déjà à certains égards. Sur ce point du moins les Américains n’ont pas eu tort : l’intention de la Russie est bien d’envahir toute l’Ukraine, soit pour l’annexer tout de suite et dans son intégralité, soit en vue de mettre à sa tête un pouvoir qui lui soit entièrement acquis. Dans les deux cas, c’en serait fini de l’Etat ukrainien souverain – cette création bolchévique, comme l’a rappelé récemment Vladimir Poutine. Il se trouve que les demandes de garanties sécuritaires adressées dernièrement par la Russie aux Etats-Unis et à l’Otan vont au-delà de cette question.

Ce que la Russie estime le moment venu pour elle de réaliser est bien plus ambitieux en effet : non seulement arrêter l’avancée de l’Otan vers ses frontières occidentales, mais l’obliger à rebrousser chemin, ce qui implique en premier lieu le démantèlement des installations militaires constituant, de son point de vue, une menace intolérable pesant sur sa sécurité. Le bouclier antimissile de l’Otan est son principal souci, d’une part parce qu’il dégrade son système de dissuasion, et de l’autre parce qu’il est facilement transformable en une arme offensive. Le système de défense antimissile de l’Otan en Europe n’en est qu’à ses débuts. Mais il est destiné à s’étoffer prochainement, un important segment de l’ensemble devant se concrétiser en Pologne pas plus tard que cette année. Ce projet remonte à plusieurs années, à 2008 précisément. Il a été abandonné, ou seulement ajourné, sous la présidence Obama, la Russie ayant menacé alors d’intervenir militairement pour détruire l’installation en question. Ce que la Russie était déjà disposée à faire en 2008, il n’y a aucune raison de supposer qu’elle n’y pense plus aujourd’hui. Ce qu’elle vient de faire en Ukraine montre qu’au contraire elle y tient plus que jamais. Voilà qui porte à croire que l’invasion de l’Ukraine, qui commence, n’est pas la finalité, mais uniquement un objectif intermédiaire. Ce que veut la Russie, ce pour l’obtention de quoi elle s’est mise sur le pied de guerre, c’est ce qu’elle a exigé en toutes lettres dans ses deux projets de traité adressés aux Etats-Unis et à l’Otan, à la fin de l’année dernière : une nouvelle architecture de la sécurité en Europe, qui en fait est un retour à la situation prévalant avant 1997, l’année de l’adoption de l’Acte fondateur portant sur les relations, la coopération et la sécurité mutuelle entre l’Otan et la Fédération de Russie. En 1997, ni la Pologne, ni la Hongrie, ni la République tchèque n’étaient encore membres de l’Otan. On sait quelles ont été les réponses des Etats-Unis et de l’Otan aux demandes russes : un non ferme sur les points considérés comme fondamentaux par la Russie, une ouverture sur le reste.

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