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vendredi 29 mars 2024

Ce que Macron est allé vendre en Chine

La note dominante aujourd’hui en France, au lendemain de la visite en Chine d’Emmanuel Macron, clame que cette visite a été somme toute un succès, alors même qu’on aurait du mal à dire en quoi consiste précisément ce dernier. Mesurée à l’aune de la visite, elle aussi récente, de Xi Jinping en Russie, qui elle a fait du bruit, à quoi d’ailleurs celle de Macron n’a pas cessé de se comparer, mais sans qu’il y paraisse, on ne peut dire que ce succès soit évident. Xi Jinping était allé voir à Moscou quelqu’un qui avait été mis au ban du monde par les Etats-Unis et leurs fidèles alliés, contre lequel un mandat d’arrêt international avait dûment été émis quelques heures auparavant, sans doute pour faire annuler le voyage programmé. Un déplacement accompli dans ces conditions, c’est plus qu’un rituel politique, plus qu’une visite d’Etat, c’est l’expression d’une amitié basée sur du solide, en même temps que sa célébration, son renouvellement. Elle dit à elle seule qu’il existe un lien très fort, stratégique, entre les deux pays concernés. S’il ne vous restait qu’un seul ami, ce serait la Chine, voilà en quoi il serait possible de traduire le voyage du président chinois, le premier du genre depuis le début de la pandémie.

Lorsque le chef de l’Etat algérien se rendrait à son tour à Moscou, vraisemblablement dès le mois prochain, ce serait un peu dans le même esprit. Entre la Chine et la Russie tout avait été déjà discuté, convenu, arrêté. Il ne restait que le faste d’une visite officielle pour le sceller. Mais que ce soit Moscou qui a été choisi pour abriter la cérémonie n’est pas étranger à la prétention incroyable des Occidentaux d’isoler sur la scène internationale l’un des acteurs majeurs de l’histoire moderne, le pays d’une des plus grandes révolutions qui aient vu le jour, le vainqueur du nazisme, à ce titre le vrai libérateur de l’Europe, qui ensuite a le plus aidé à la libération de tant de pays à travers le monde du joug colonial. Ce n’est pas en tant que représentant de la France qu’Emmanuel Macron s’est rendu en Chine, mais comme responsable européen, certes de premier plan. Pour en attester, il s’est fait accompagner de la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, dont on se demande après coup quel intérêt a-t-elle pu trouver à jouer au faire-valoir dans une visite d’Etat à Etat, elle la représentante d’un ensemble politique. Demain le chancelier allemand, ou quelque autre leader européen, voudrait qu’elle lui accorde le même privilège en l’accompagnant lors d’un voyage particulièrement important pour lui et son pays. Le président français est allé en Chine moins pour renforcer les liens de son pays avec une grande puissance économique et politique que pour parler stratégie avec son homologue chinois, et ce faisant, s’adresser par ricochet à ses pairs européens. On croyait que c’était surtout pour convaincre Xi Jinping d’user de son influence sur Vladimir Poutine, outre les questions d’intérêt mutuel, en matière économique notamment. On s’était trompé. En fait, il était allé vendre aux Chinois l’idée déjà ancienne d’une Europe stratégiquement autonome par rapport aux Etats-Unis, un projet qu’il savait à coup sûr plaire à ses interlocuteurs. Une marchandise que les Chinois achèteraient volontiers si celui qui la proposait la possédait vraiment, s’il en était le propriétaire unique et légitime, si tout simplement elle était disponible. Mais sachant qu’il n’en était rien, que le vendeur était dépourvu de titre de propriété, qu’il leur offrait un bien indivis, bien commun à plusieurs, ils ont conclu avec lui quelques autres bonnes affaires, tout à fait sûres quant à elles, et lui ont souhaité avec force accolades bon retour chez lui.

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