Alors que l’Occident est sur le qui-vive depuis plusieurs semaines vis-à-vis de la situation en Europe de l’Est, les propos inquiétants du président ukrainien qui disait qu’une invasion russe était imminente a encore fait monter la tension, lui qui avait même donné le 16 février comme date du début de l’opération militaire piloté par le Kremlin. Pourtant, Volodymyr Zelensky déclare désormais, et alors que la Russie n’a pas envahi son pays, que ses propos étaient ironiques et donc ne devaient pas être pris au pied de la lettre. Le président ukrainien s’est en effet distancié, cette semaine, des propos alarmistes de Washington sur le risque d’une guerre imminente avec la Russie. «On nous dit que l’invasion russe va commencer mercredi 16 février. Je déclare donc que ce jour sera celui de l’unité en Ukraine», a affirmé avec beaucoup de sérieux le président ukrainien, lundi 14 février. Ce n’est en tout cas pas la première fois que Zelensky traite avec une certaine ironie la rhétorique alarmiste des États-Unis et des pays de l’Otan en général. C’est même devenu, depuis le début de la crise avec la Russie, une sorte de marque de fabrique pour le président et ex-humoriste. Fin janvier, il avait demandé au président américain, Joe Biden, de «calmer le message», alors que le Maison-Blanche avertissait déjà sur la possible imminence d’une attaque russe. «On n’est pas à bord du Titanic», avait-il ajouté, suggérant que l’Ukraine n’avait pas le sentiment d’être au bord du précipice. Zelensky a aussi demandé, la semaine dernière, aux pays occidentaux de lui «fournir des preuves» que Vladimir Poutine s’apprête à lancer ses chars sur Kiev. «Il faut bien comprendre que les Ukrainiens vivent avec la menace russe depuis 2014, et qu’ils n’ont aucun respect pour les dirigeants qui céderaient à la panique. Volodymyr Zelensky le sait et se doit d’être calme face à l’adversité», souligne James Sherr, spécialiste de la Russie et de l’Ukraine, à l’Institut estonien de politique internationale du Centre international pour la défense et la sécurité de Tallinn. Une autre raison derrière la crânerie du président ukrainien tient à la situation économique. «Elle s’était améliorée depuis l’arrivée de Zelensky au pouvoir, et la dernière chose qu’il voudrait, c’est qu’un mouvement de panique à cause du risque d’une guerre vienne déstabiliser l’économie. La panique ne servirait que les intérêts russes», résume Andrew Wilson, spécialiste de l’Ukraine à l’University College de Londres. Mais le président ukrainien ne se contente pas de minimiser le risque d’un conflit militaire. Il lui arrive aussi de jeter de l’huile sur le feu. Il a multiplié les appels aux pays alliés de l’Otan pour obtenir des armes et a remercié, à plusieurs reprises, Joe Biden et le Premier ministre britannique, Boris Johnson, pour l’envoi de matériel militaire qui permettra à l’Ukraine «de faire face à la menace russe». En se montrant désinvolte et en jouant la bravade, le président ukrainien veut montrer à son peuple qu’il n’est pas une marionnette de l’Otan tout en réussissant à s’assurer un soutien politique et militaire de nombreux pays occidentaux. Toutefois, l’humeur changeante de Zelensky pourrait refroidir son peuple et compliquer encore plus la situation si le peuple ukrainien n’a pas confiance en son président. Reste à voir quelle suite Moscou donnera à son déploiement militaire à la frontière ukrainienne qui fait craindre, si ce n’est une invasion, une claire volonté de marquer son territoire.