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vendredi 29 mars 2024

Boutcha la nouvelle Timisoara ?

Lorsqu’il y a quelques jours, le président américain avait traité depuis la Pologne son homologue russe de boucher, il s’en est trouvé en Europe pour froncer les sourcils à cet excès, estimant sans doute qu’il n’était bon qu’à jeter de l’huile sur le feu en Ukraine, mais de tous ses pairs seul le président français a alors osé conseiller la modération dans les propos à Joe Biden. Une remarque qui sûrement n’a pas dû plaire à celui-ci, mais qu’il a préféré passer à un des meilleurs alliés des Etats-Unis. Mais lorsque des images pour le moins douteuses ont circulé en boucle, comme à un signal, quasi en même temps sur les écrans des chaînes les plus hostiles à Moscou, montrant le charnier que les soldats russes auraient laissé derrière eux en se retirant de Boutcha, dans la périphérie de Kiev, le président français a été comme par hasard le premier à vouloir les accréditer, et à proposer sur-le-champ un supplément de sanctions contre la Russie. La prudence commandait pourtant de suspendre son jugement, de ne pas réagir à chaud à un matériel qui peut très bien être une pure falsification, un faux grossier, une mise en scène montée de toutes pièces, au demeurant propagande ordinaire en temps de guerre. Même Boris Johnson a à cette occasion fait preuve de plus de retenue que lui.

C’est vrai que lui n’est pas en campagne, obligé à ce titre de flatter son public dans le sens du poil. Les responsables comme les médias américains ont été plus circonspects encore, se gardant de donner pour certain ce qui ne l’est pas encore, sans doute par crainte du retour de flamme, mais tout en contribuant grandement à la propagation de l’horreur en question. Et puis sont venus les démentis des Russes, et leur appel à la tenue d’une réunion du Conseil de sécurité pour regarder ensemble et de plus près dans le «charnier de Boutcha», que leurs ennemis se sont empressés comme de juste de leur imputer. L’ONU a quant à elle appelé à une enquête indépendante, ce qui tend à faire croire qu’elle-même n’est pas convaincue de la véracité des faits rapportés. Le charnier de Boutcha rappelle irrésistiblement le faux de Timisoara, fabriqué au début du soulèvement roumain contre le régime de Ceausescu en 1989. Ce qui était au départ le charnier de Timisoara est depuis longtemps devenu l’affaire du charnier de Timisoara, sans être pour cela tirée au clair. A Timisoara, tout ce que l’on sait, mais c’est déjà beaucoup, c’est qu’il n’y a pas eu de charnier, mais exhumation de cadavres par une ou des mains inconnues pour faire croire à un massacre commis en manière de représailles contre la population par les partisans de Ceausescu. Quelque chose de comparable a pu se produire à Boutcha. Ce précédent, mais tout autant l’ampoule d’anthrax de Colin Powell, auraient dû servir de leçon à tous ceux que tendrait à aveugler leur sentiment antirusse incandescent. Or que voit-on ? Qu’en fait le passé n’apprend rien à personne. L’affaire dite du charnier de Timisoara a porté à la presse occidentale un coup dont elle ne s’est jamais relevée. Pour elle, il y a eu un avant et un après Timisoara. Le peu de crédibilité qui lui est restée risque d’être emporté par ce qui selon toute apparence s’appellera bientôt l’affaire des cadavres parsemant les rues de Boutcha.

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