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jeudi 18 avril 2024

Birmanie: Raid des forces de sécurité contre des cheminots grévistes, échec à l’ONU

Les forces de sécurité birmanes ont lancé un raid, hier à Rangoun, contre des cheminots grévistes opposés à la junte, l’ONU ne parvenant toujours pas à un consensus pour condamner le coup d’Etat.

Par Mourad M.

Deux versions d’une déclaration commune – qui proposaient une condamnation explicite du putsch par le Conseil de sécurité et la possibilité d’«éventuelles mesures (sanctions, ndlr) supplémentaires» – ont été rejetées par la Chine, la Russie, l’Inde et le Vietnam, ont indiqué à l’AFP des diplomates.
Les négociations sur une position commune se poursuivent, selon eux.
Face à une ONU divisée, les généraux putschistes font fi des condamnations internationales et poursuivent leur répression.
Plusieurs centaines de policiers et de soldats se sont déployés hier autour de l’enceinte où réside le personnel ferroviaire de la gare Ma Hlwa Gone, dans l’est de la capitale économique.
«Ils bloquent les portes (des appartements) et les détruisent pour entrer», a relaté une membre de la famille d’un cheminot, sous couvert d’anonymat par peur des représailles. «J’ai réussi à m’échapper, mais je m’inquiète pour les travailleurs et leurs proches encore coincés».
Selon elle, quelque 800 employés des chemins de fer dans cette gare sont impliqués dans le mouvement de désobéissance civile.
Médecins, enseignants, employés des compagnies
d’électricité, cheminots, de nombreux fonctionnaires ont cessé le travail depuis le coup d’État du 1er février qui a renversé le gouvernement civil d’Aung San Suu Kyi.
Ce mouvement perturbe la fragile économie birmane avec des bureaux ministériels vides, des écoles et des hôpitaux fermés, des banques dans l’incapacité de fonctionner.
Les principaux syndicats ont appelé à «l’arrêt complet de
l’économie» pour tenter de paralyser le pays et d’augmenter la pression sur les militaires.
La junte a ordonné de son côté aux fonctionnaires de reprendre le travail, faute de quoi ils seraient licenciés et s’exposeraient à des représailles.
La Birmanie est en ébullition depuis le putsch, avec des manifestations quotidiennes à travers tout le pays.

Quelques rassemblements épars ont été organisés hier
A Myingyan (centre), le cortège a été dispersé violemment : trois manifestants pro-démocratie ont été blessés, dont un grièvement à l’œil, selon les secouristes. Dans le quartier d’Okkalapa, dans le nord de Rangoun, les forces de sécurité ont procédé à «une centaine d’interpellations», d’après un secouriste. «Certains manifestants ont été battus, il y a des blessés». La police et l’armée sont déployées en nombre dans la capitale économique et continuent à brûler des barricades de fortune érigées ces derniers jours par les protestataires.
Raids contre des habitations, des hôpitaux, des universités, arrestations en masse, recours à la force létale : la junte semble plus déterminée que jamais à vouloir éteindre le vent de fronde largement pacifique qui souffle sur le pays. Au moins 60 civils ont été tués et près de 2 000 personnes arrêtées depuis le 1er février, d’après l’Association d’assistance aux prisonniers politiques.
L’armée justifie son passage en force en alléguant de vastes fraudes électorales lors des législatives de novembre remportées massivement par le parti d’Aung San Suu Kyi, la Ligue nationale pour la démocratie (LND). Dans un geste symbolique, plusieurs députés LND déchus ont annoncé sur Facebook avoir nommé un de leurs responsables, Mahn Win Khaing Than, vice-président du pays, en charge de remplacer l’ex-président de la République, Win Myint, et l’ancienne cheffe du gouvernement, Aung San Suu Kyi, toujours tenus au secret. Les députés qui ne reconnaissent pas la légitimité du coup d’État et ont créé un comité pour représenter le gouvernement civil se rendent coupables de «haute trahison», un crime passible de la peine de mort ou de 22 ans de détention, a averti il y a quelques jours la junte.
Deux responsables de la LND sont morts en détention ces derniers jours, très peu de temps après leur interpellation. De nombreux ont été arrêtés, dont trois la nuit dernière.
La junte cible aussi les médias indépendants. Plusieurs ont été visés par des raids des forces de sécurité et se sont vu retirer leur licence de publication ces derniers jours. Une vingtaine de journalistes sont en détention, dont un photographe de l’agence de presse américaine Associated Press.
Le passage en force des généraux, qui a mis fin à une décennie de transition démocratique, suscite même des condamnations de diplomates birmans, les ambassadeurs à l’ONU et au Royaume-Uni se désolidarisant du régime.
Au contraire, le gouvernement sri lankais a invité le ministre des Affaires étrangères de la junte à participer, début avril, à des pourparlers sur la coopération économique. Un lobbyiste, recruté pour représenter la junte à l’étranger, devrait recevoir une somme de deux millions de dollars pour cette mission, selon des documents déposés au ministère américain de la Justice, que l’AFP a pu consulter hier. Ari Ben-Menashe, lobbyiste israélo-canadien, et sa société Dickens and Madson, basée à Montréal, ont signé le 4 mars un contrat avec le régime pour «aider à expliquer la situation réelle dans le pays», tout en faisant pression pour obtenir la levée des sanctions.
L’ambassadeur de France en Birmanie, Christian Lechervy, s’est rendu hier devant la prison d’Insein à Rangoun. «La France appelle à la libération immédiate, sûre et inconditionnelle de tous les prisonniers politiques emprisonnés», a-t-il déclaré sur Twitter.
M. M.

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