12.9 C
Alger
lundi 27 mars 2023

Birmanie: Nouvelles manifestations après un dimanche de répression meurtrière

Les manifestations pro-démocratie se poursuivaient hier en Birmanie, au lendemain de la journée de répression la plus meurtrière depuis le coup d’État militaire du 1er février.

Par Mourad M.

Au moins 44 manifestants pro-démocratie ont été tués dimanche par les forces de sécurité, d’après l’Association d’assistance aux prisonniers politiques (AAPP) qui comptabilise, au total, plus de 120 manifestants tués depuis le coup d’État.
L’ONG comptabilise aussi plus de 2 000 arrestations depuis le 1er février, dont Aung San Suu Kyi, 75 ans, toujours tenue au secret.
L’ancienne cheffe de facto du gouvernement civil devait comparaître en vidéoconférence dans la matinée, mais l’audience a du être reportée faute de connexion internet, a indiqué à l’AFP son avocat Khin Maung Zaw. Elle se tiendra le 24 mars.
La prix Nobel de la paix 1991 est poursuivie pour au moins quatre chefs d’accusation : importation illégale de talkies-walkies, non respect des restrictions liées au coronavirus, violation d’une loi sur les télécommunications et incitation aux troubles publics.
L’armée l’accuse aussi de corruption, affirmant qu’elle a perçu 600 000 dollars et plus de 11 kilos d’or de pots-de-vin.
Aung San Suu Kyi semblait en bonne santé le 1er mars, lors de la précédente audience en visioconférence, selon Khin Maung Zaw qui n’a toujours pas été autorisé à rencontrer sa cliente.
Des manifestations éparses se déroulaient hier dans tout le pays, notamment à Mandalay (centre) où les protestataires arboraient des panneaux : «Arrêtez la violence», «Sauvez la Birmanie». Non loin de là, des ingénieurs et des enseignants grévistes défilaient dans le cadre de la campagne de désobéissance civile lancée contre la junte.
Après six semaines de rassemblements pro-démocratie, les généraux poursuivent sans relâche leur répression. Meurtres, persécutions, disparitions forcées, tortures : le Conseil des droits de l’homme de l’ONU a dénoncé de probables «crimes contre l’humanité» commis par la junte.
«Ses dirigeants ne doivent pas être au pouvoir, mais derrière les barreaux», a tweeté, hier, Tom Andrews, rapporteur spécial des Nations unies pour la Birmanie, appelant à stopper immédiatement l’«approvisionnement en argent et en armes des militaires».
Dimanche, la situation a été particulièrement tendue à Hlaing Tharyar, une banlieue industrielle de la capitale économique Rangoun qui abrite de nombreuses usines textiles, avec 22 personnes tuées.

22 autres manifestants pro-démocratie ont péri à travers le pays
A Hlaing Tharyar, les forces de sécurité ont ouvert le feu sur des protestataires après l’incendie de plusieurs usines chinoises, l’ambassade de Chine demandant aux autorités de «garantir la sécurité» de ses entreprises et de son personnel.
Alors que des panaches de fumée s’élevaient de la zone industrielle, de nombreux véhicules militaires ont été déployés et des tirs ont été entendus en continu par les habitants cachés dans les maisons.
Personne n’a revendiqué les incendies, mais le ressentiment anti-chinois s’est intensifié ces dernières semaines dans le pays, certains estimant que Pékin, qui a appelé à la désescalade, a une position encore trop douce vis-à-vis des généraux putschistes.
A la suite de ces affrontements, la junte a décrété la loi martiale dans six cantons de l’agglomération de Rangoun, dont Hlaing Tharyar. Toute personne arrêtée dans ces quartiers sera jugée par un tribunal militaire et encourra un peine minimale de trois ans de travaux forcés.
Les militaires ont aussi renforcé les coupures internet : les connexions mobiles, coupées depuis plusieurs semaines dans la nuit mais habituellement rétablies dans la matinée, ne fonctionnaient toujours pas hier après-midi dans la capitale économique.
L’envoyée de l’ONU pour la Birmanie, Christine Schraner Burgener, a fermement condamné l’effusion de sang de dimanche, tandis que l’ancienne puissance coloniale britannique s’est dite «consternée par l’usage de la force contre des innocents».
La junte fait pour l’instant la sourde oreille aux condamnations internationales.
L’opposition politique commence, elle, timidement à s’organiser dans le pays.
Beaucoup de responsables de la Ligue nationale pour la démocratie (LND) ont été emprisonnés depuis le coup d’État, dont deux sont morts en détention.
Mais certains députés, passés pour la plupart dans la clandestinité, ont créé symboliquement un Comité pour représenter l’Assemblée de l’Union (CPRH), l’organe législatif birman.
Son vice-président, Mahn Win Khaing Than, a lancé ce week-end un vibrant appel à la résistance contre cette «dictature injuste». «C’est le moment le plus sombre de la nation (mais) il faut que le soulèvement l’emporte», a-t-il déclaré.
L’armée a pour sa part averti que l’appartenance à ce comité s’apparentait à une «haute trahison», passible d’une peine de 22 ans de prison.
Le passage en force des généraux, alléguant de vastes fraudes électorales aux législatives de novembre massivement remportées par la LND, a mis fin à une décennie de transition démocratique en Birmanie.
M. M.

Article récent

--Pub--spot_img

Articles de la catégorie

- Advertisement -spot_img