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vendredi 29 mars 2024

Birmanie: Le coup d’État, une opportunité pour la myriade de factions rebelles

Le coup d’État en Birmanie a fait sortir de l’ombre la myriade de factions ethniques rebelles, qui ont condamné le putsch sans se rapprocher des alliés de la dirigeante déchue Aung San Suu Kyi, leur conférant un potentiel rôle-clé sur l’avenir du régime militaire.

Par Mourad M.

La Birmanie est plongée dans le chaos depuis le coup d’État d’une junte le 1er février, qui a tiré le rideau sur dix années de démocratie vécues avec enthousiasme par l’ethnie majoritaire Bamar.
Mais pour les minorités vivant dans des territoires largement hors de contrôle de l’État, l’administration d’Aung San Suu Kyi, prix Nobel de la paix, était plus une ennemie qu’une alliée.
Même si chaque organisation ethnique a ses propres demandes, un objectif commun les
unit : le fédéralisme, qui leur permettrait de disposer de mesures d’auto-gouvernance.
Aung San Suu Kyi et son parti de la Ligue nationale pour la démocratie (LND) leur avaient fait autrefois cette promesse, en échange de leur soutien électoral.
«La majorité Bamar nous avait promis cela de temps en temps, sans rien concrétiser. Ce n’était que des mots», dit Khu Oo Reh, le vice-président du Parti progressiste national Karen (KNPP) qui lutte pour la création d’un État karen indépendant.
Mais en dépit de leur méfiance bien ancrée à l’égard du parti LND, plusieurs groupes rebelles ont condamné le putsch et la répression du mouvement de contestation, qui a fait plus de 700 morts.
Au moins trois groupes dans l’est du pays, dont le KNPP, abritent des milliers de militants anti-junte.
La façon dont les groupes rebelles peuvent tenir tête au régime militaire est désormais scrutée de près.
Selon l’historien Thant Myint-U, leur implication pourrait être une opportunité de plaider leur cause pour le fédéralisme.
«Leurs actions au cours des prochains mois pourraient avoir un impact énorme dans une situation qui est toujours très volatile», estime-t-il auprès de l’AFP.
Selon lui, «les sept à huit groupes ethniques armés les plus importants ont désormais une influence sur l’avenir de la Birmanie comme jamais auparavant depuis l’indépendance», en 1948.
Alarmiste, l’ONU a dit craindre cette semaine un conflit généralisé comme en Syrie.
La fin de la période coloniale britannique a laissé le pays dans un patchwork de groupes ethniques, linguistiques, culturelles.
Des luttes armées pour l’autonomie, l’identité ou les ressources naturelles n’ont parfois jamais cessé depuis 1948. La Birmanie compte une vingtaine de conflits, selon l’International Crisis Group (ICG).
Les militaires, de l’ethnie majoritaire Bamar, ont cherché à étouffer les conflits avec des cessez-le-feu stratégiques, cédant dans les faits le contrôle de pans entiers du pays aux rebelles.
Mais dans la foulée du coup d’État, ces cessez-le-feu ont commencé à se rompre.
La puissante Armée de libération nationale Ta’ang (TNLA dans le Nord-Est) et deux groupes alliés ont ainsi annoncé qu’ils ne respectaient plus la trêve, ulcérés par la répression menée par la junte.
Ces déclarations ont fait naître l’espoir au sein du mouvement pro-démocratie d’un rassemblement de ces groupes sous la même bannière anti-junte, au sein d’une sorte d’«armée fédérale».
L’idée a été émise par le groupe de résistance CRPH, le comité représentant l’organe législatif déchu et qui tente de former un gouvernement parallèle.
Ils ont aussi publié le 1er avril «une charte de la démocratie fédérale» qui stipule un rôle de gouvernance pour les factions ethniques armées.
Mais le TNLA et d’autres rebelles du nord, qui vivent dans des territoires frontaliers de la Chine et entretiennent des liens étroits avec Pékin, n’ont à ce stade pas répondu à la main tendue par le CRPH.
Quant au soutien des groupes armés dans l’est, il demeure tiède.
Le général Yawd Serk, leader du Conseil de restauration de l’État Shan (RCSS), l’un des groupes les plus importants, a simplement salué «une initiative positive».
«On s’observe mutuellement mais nous ne sommes pas entièrement avec le CRPH», a-t-il dit à l’AFP.
Le chef du RCSS a aussi opposé un argument à la création d’une «armée fédérale» : son groupe est en conflit avec deux autres factions de l’État Shan.
Dans l’État Karen (sud-est), l’armée a lancé des raids aériens sur des villes contrôlées par l’Union nationale karen (KNU), l’une des factions les plus importantes politiquement. L’un des responsables du KNU, Padoh Saw Taw Nee, s’est dit «prudemment optimiste» sur la promesse de fédéralisme faite par le CRPH.
M. M.

 

 

 

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