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samedi 20 avril 2024

Birmanie: Appel à libérer Aung San Suu Kyi au lendemain du coup d’État

Le parti d’Aung San Suu Kyi a appelé, hier, à «la libération» immédiate de la dirigeante, au lendemain d’un coup d’État en Birmanie, condamné par la communauté internationale, Washington faisant planer la menace de sanctions avant une réunion d’urgence du Conseil de sécurité de l’ONU.

Par Mourad M.

Le putsch s’est fait sans effusion de sang, mais des soldats étaient encore déployés dans la capitale Naypyidaw, où Aung San Suu Kyi, 75 ans, et d’autres dirigeants de son parti, la Ligue nationale pour la démocratie (LND), ont été interpellés lundi à l’aube. Des militaires encerclaient aussi les bâtiments où résident les parlementaires, une députée LND décrivant à l’AFP un «centre de détention à ciel ouvert». «Nous avons des vivres, mais nous ne pouvons pas sortir de l’enceinte à cause des soldats», a-t-elle expliqué, sous couvert d’anonymat. Selon elle, Aung San Suu Kyi et le président de la République Win Myint sont «assignés à résidence dans la capitale», mais l’armée n’a divulgué aucune information sur leur lieu de détention.
«Nous sommes inquiets, nous souhaiterions des photos pour nous rassurer sur la condition de ‘’Mother Suu’’», a relevé la députée.
La LND a appelé sur Facebook à la «libération» immédiate de la prix Nobel de la paix 1991 et des autres responsables du mouvement, dénonçant une «tache dans l’histoire de l’État et de Tatmadaw», l’armée birmane.
Cette dernière doit «reconnaître le résultat des élections de novembre», a ajouté le parti.
Contestant la validité de ce scrutin, remporté massivement par la LND, les militaires ont proclamé lundi l’état d’urgence pour un an, mettant brusquement fin à une décennie de processus démocratique limité, mais stable.
24 heures après, les langues avaient du mal à se délier par peur de représailles dans un pays qui a vécu, depuis son indépendance en 1948, sous le joug de la dictature militaire pendant près de 50 ans.
«Les gens ne vont pas descendre dans les rues pour manifester. Tout le monde sait que les soldats sont armés et peuvent tirer», relève Maung Mu, vendeur de journaux à Rangoun. «On a peur de critiquer ouvertement, même si nous n’aimons pas ce qu’il se passe», souligne Maung Zaw, qui tient un petit étal de viande, tandis qu’un chauffeur de taxi se dit «inquiet et effrayé».
Aucun signe de présence militaire significative n’était toutefois visible dans la ville, capitale économique de plus de 5 millions d’habitants, preuve de la confiance des militaires dans leur emprise sur le pays, d’après des observateurs.
Les connexions téléphoniques et l’accès à internet, très perturbés la veille, fonctionnaient à nouveau, les banques étaient rouvertes, mais l’aéroport international restait fermé.
Les marchés et les rues, généralement animés malgré la pandémie de coronavirus, étaient toutefois plus calmes qu’à l’ordinaire. Pressentant les événements, Aung San Suu Kyi avait préparé un message par anticipation, exhortant les Birmans à «ne pas accepter le coup d’État». L’armée a promis d’organiser de nouvelles élections «libres et équitables», une fois que l’état d’urgence d’un an serait levé, mais les Birmans se montraient pessimistes.
«Ils ont osé mener un coup d’État en pleine pandémie. Ils peuvent tout se permettre», a estimé le chauffeur de taxi.
Les généraux restaient en tous cas silencieux face aux vives condamnations venues de l’étranger.
Le président américain Joe Biden a appelé la communauté internationale à «parler d’une seule voix pour exiger de l’armée birmane qu’elle rende immédiatement le pouvoir», l’ONU et l’Union européenne condamnant unanimement le coup d’État.
A l’inverse, Pékin a refusé de critiquer qui que ce soit, demandant simplement toutes les parties à «résoudre les différends».
Une réunion d’urgence du Conseil de sécurité de l’ONU doit avoir lieu cette semaine.
Le chef de l’armée, Min Aung Hlaing, qui concentre désormais l’essentiel des pouvoirs, est un paria pour les capitales occidentales du fait de la répression sanglante menée par les militaires contre la minorité musulmane rohingya, un drame qui vaut à la Birmanie d’être accusé de «génocide» devant la Cour internationale de justice (CIJ), la plus haute juridiction de l’ONU.
Aung San Suu Kyi, très critiquée à l’international pour sa passivité dans cette crise qui a conduit des centaines de milliers de Rohingyas à se réfugier au Bangladesh, reste toutefois adulée dans son pays.
Longtemps exilée, «la dame de Rangoun» est rentrée en Birmanie en 1988, devenant la figure de l’opposition face à la dictature militaire. Elle a passé 15 ans en résidence surveillée avant d’être libérée par l’armée en 2010.
En 2015, la LND avait obtenu une large majorité et l’ex-dissidente avait été contrainte à un délicat partage du pouvoir avec l’armée encore très puissante.
Malgré la crise des Rohingyas, l’Occident «doit respecter le résultat des législatives de novembre qu’elle a remportées haut la main», estime Derek Mitchell, ex-ambassadeur des USA en Birmanie. «Ce n’est pas la personne, c’est le processus démocratique qui est en jeu».
M. M.

 

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